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Trois nouvelles maîtrises pour traducteurs

En ce premier trimestre de l’année scolaire 2014-2015, trois nouveaux programmes de traduction, tous de deuxième cycle, accueillent une première cohorte. À Sherbrooke et à Concordia, les nouveaux cheminements viennent en fait bonifier une offre déjà établie ; à Gatineau, le nouveau programme est… tout nouveau.

Par Héloïse Duhaime

Maîtrise en études langagières, Université du Québec en Outaouais

Le département d’études langagières, répondant à la volonté de l’UQO d’élargir son offre de programmes de deuxième cycle, présente une suite
à son programme de premier cycle, dans la même optique de polyvalence et d’interdisciplinarité. Outre la traduction, les études langagières regroupent plusieurs domaines de recherche et de spécialisation : adaptation et localisation, pédagogie des professions langagières, postédition
et révision, rédaction professionnelle, terminologie, etc.

Alliant recherche et pratique professionnelle, la maîtrise en études langagières propose des cheminements sur mesure, pour diplômés de
traduction et de rédaction comme pour langagiers en exercice. À partir d’un tronc commun de séminaires (3 obligatoires, 2 optionnels), trois
profils sont possibles : 1) recherche, avec mémoire ; 2) projet langagier, avec essai ; 3) travail dirigé professionnel, avec rapport d’activité.
Le programme accueille pour sa première session une cohorte pleine, dont plusieurs anciens du baccalauréat en traduction et en rédaction de l’UQO.

Cheminement en traduction littéraire et traductologie de la maîtrise en littérature canadienne comparée,
Université de Sherbrooke

La traduction littéraire et la traductologie font depuis toujours partie de la maîtrise en littérature canadienne comparée de l’Université de Sherbrooke, qui a fêté ses 50 ans cette année. S’appuyant sur une longue tradition, le nouveau cheminement vient donc enrichir la formation de nouveaux cours de théorie, d’histoire et de critique de la traduction et de séminaires de traduction littéraire avancée, pour mieux servir ceux qui présentent comme mémoire un projet de traduction. De type recherche, le cheminement, axé sur la traduction littéraire telle qu’elle se pratique et se pense en contexte québécois et canadien, s’adresse aux étudiants qui ont suivi des cours de traduction et de littérature. On y aborde entre autres les enjeux contemporains en traductologie, l’analyse textuelle, la sociologie de la traduction et l’histoire de la traduction littéraire au Canada.

Le nouveau cheminement s’arrime au baccalauréat en traduction professionnelle de l’Université de Sherbrooke, dans lequel on peut faire des cours à option en littérature d’expression anglaise ou française.

Maîtrise professionnelle en traductologie, Université Concordia

L’Université Concordia offrait déjà une maîtrise recherche en traductologie et un diplôme en traduction. La nouvelle maîtrise, sans mémoire, se
situe entre ces deux programmes : elle emprunte des cours et des séminaires aux deux, elle pousse plus loin le diplôme tout en en conservant l’orientation professionnelle. Plus de 30 crédits sont consacrés à des cours pratiques de traduction, de révision, de terminologie et de technologie, auxquels s’ajoutent des possibilités de tutorats et de stages. Le diplôme comme la nouvelle maîtrise professionnelle s’adressent aux gens d’autres disciplines, qui n’ont pas un premier cycle en traduction. Les deux programmes offrent une formation complète vers le français ou vers l’anglais.
La nouvelle maîtrise est née d’un besoin exprimé par les étudiants du diplôme qui souhaitaient se doter d’un titre universitaire dont le contenu serait reconnu par le milieu professionnel et l’OTTIAQ. La popularité du programme ne s’est pas fait attendre : près de la moitié des étudiants du diplôme sont passés à la nouvelle maîtrise.

Bonification de l’offre et visibilité de la traduction

L’offre est riche et variée : trois nouvelles maîtrises qui s’adressent à divers profils. Et chacune se décline en différentes options, alors, qu’on vise une maîtrise recherche ou pratique, avec ou sans mémoire, en traductologie ou en gestion de projet, on a le choix.

On a  le choix d’autant plus que les nouveaux programmes s’ajoutent à d’autres maîtrises de traduction et de traductologie ancrées au Québec,
à l’Université Laval, à l’Université de Montréal, à McGill et à Concordia. Tant de chercheurs et professionnels qui veulent réfléchir à la pratique, voilà qui est bon pour la profession et le marché du travail, non ?

Héloïse Duhaime est chargée de cours à l’Université de Sherbrooke.

Agir pour influencer

Entrevue avec Réal Paquette, trad. a., président de l’OTTIAQ

Propos recueillis par Manon Laganière, trad. a.

Le conseil d’administration a adopté un nouveau plan stratégique, intitulé Agir pour influencer 2014‑2017, qu’il a présenté à l’assemblée générale annuelle du 19 juin 2014. Réal Paquette, trad. a., président de l’Ordre, nous parle du plan et de ce qu’il signifie pour l’OTTIAQ et ses membres.

Pourquoi un plan stratégique ?

La planification stratégique sert à provoquer la remise en question, à favoriser l’émergence d’idées et la mobilisation des forces vives. Elle amène
à prendre du recul pour définir une vision globale et se positionner avantageusement face aux nouvelles réalités. Concrètement, le plan permet de savoir où nous allons, de quoi vont être faites les trois prochaines années, tout cela dans un continuum, de façon à suivre le même fil conducteur et à ne jamais le perdre de vue.

Que prévoit le plan 2014-2017 ?

Il s’inscrit dans la continuité du plan stratégique Prendre sa place, qui couvrait les années 2009 à 2012 et qui a été prolongé jusqu’en 2014. Si l’Ordre a, dans une certaine mesure, pris sa place, tout n’est pas fini, d’où Agir pour influencer. Nous avons d’abord voulu redéfinir clairement nos bases, soit notre raison d’être, notre mission, notre vision et nos valeurs, qui sont au cœur même de notre existence et nous permettent d’agir. De
là vient l’orientation générale, soit l’intensification de l’influence de l’Ordre et de ses membres, et non pas de l’un ou de l’autre ; car c’est la synergie entre les deux qui nous permettra d’atteindre nos objectifs.

On peut penser que le premier axe, « Agir pour influencer par la mise en valeur de la pertinence de l’encadrement de la pratique professionnelle », se rattache à la notion de protection… 

En effet, le premier axe touche directement notre raison d’être, c’est-à-dire la protection du public. Comment protège-t-on le public ? En encadrant
la pratique professionnelle en traduction, en terminologie et en interprétation. Nous avons quelques projets sur le feu : d’abord, celui de la réserve d’actes parce que, faut-il le rappeler, nous sommes un ordre à titre réservé et non un ordre à exercice exclusif. Dans un premier temps, nous voudrions faire réserver des actes en traduction, c’est-à-dire demander que certaines traductions ou révisions soient obligatoirement faites par des traducteurs agréés. On peut, par exemple, penser au traitement de documents officiels (actes de naissance, de mariage, permis de conduire, etc.) ou de documents dont les originaux doivent être signés par un membre d’un ordre professionnel. Si on exige que l’original soit signé par un membre d’un ordre professionnel pour motif de protection du public, sa traduction, nous semble-t-il, devrait être signée par un traducteur agréé de façon à maintenir la protection du public. À partir du moment où la traduction n’est pas signée par un traducteur agréé, le public n’est plus protégé.

Obtiendrons-nous la réserve d’actes d’ici trois ans ?

Nous l’espérons bien. Le mémoire est presque prêt, et nous comptons le déposer à l’Office des professions du Québec (OPQ) dès cet automne. La suite dépendra surtout de l’OPQ, du gouvernement et de leurs priorités respectives. Nous comptons aussi mener des actions parallèles pour faire savoir que nous avons déposé un mémoire en vue d’obtenir la réserve d’actes.

Et les autres projets sur le feu ?

Notre deuxième projet est de faire reconnaître la distinction entre les trois titres d’interprètes, soit « interprète juridique », « interprète de conférence » et « interprète en milieu social », car le travail et l’incidence sur le public ne sont pas du tout les mêmes. Dans les faits, nous encadrons déjà la pratique des interprètes de conférence et celle des interprètes judiciaires de manière différente. Par ailleurs, nous devons convaincre l’OPQ et le gouvernement de nous donner les moyens de travailler à l’offre de formation et d’encadrement pour les interprètes qui exercent en milieu social, et cela commencera par la distinction des champs d’exercice et des titres.

Il y a un troisième projet : nous voulons pouvoir reconnaître les diplômes de deuxième cycle en traduction professionnelle. Actuellement, en vertu du Règlement sur les diplômes délivrés par les établissements d’enseignement désignés qui donnent droit aux permis et aux certificats de spécialistes des ordres professionnels, l’Ordre n’admet que le baccalauréat, donc un diplôme de premier cycle. Toutefois, de plus en plus d’universités offrent une maîtrise professionnelle parce que de plus en plus d’étudiants ayant un baccalauréat dans un domaine autre que la traduction veulent
acquérir les compétences nécessaires pour pouvoir traduire dans leur domaine de spécialité. À l’heure actuelle, l’Ordre ne peut pas reconnaître
leur baccalauréat, qui n’est pas en traduction, ni leur maîtrise, car le règlement ne le permet pas. Au moins deux universités proposent déjà
des maîtrises professionnelles en traduction qui respectent tout à fait les critères de l’Ordre en termes de crédits de transfert linguistique et de crédits connexes.

Donc, il faut là aussi s’adresser au gouvernement ?

Il faut en effet demander la modification du règlement. La tâche revient au Comité de la formation, un comité statutaire composé de la directrice générale, qui le préside, de moi-même comme vice-président, de deux représentants du Bureau de coopération interuniversitaire et d’un représentant du ministère de l’Éducation. Ce comité devrait se pencher sur le dossier dès cet automne et faire une recommandation au CA.
Si notre demande est acceptée par le gouvernement, elle sera très bien accueillie par un certain nombre d’universités et d’universitaires.

La protection du public passe aussi par l’encadrement de la pratique professionnelle…

Dans un monde idéal, tous les traducteurs seraient membres de l’Ordre. Pour tendre vers ce but, il faudrait démystifier la réglementation, souvent perçue comme une contrainte ou comme quelque chose de très compliqué. Pourtant, ce n’est pas le cas. Que je sois membre de l’Ordre ou non,
si je suis un professionnel qui se respecte, je vais tenir des dossiers dignes de ce nom, par exemple. La seule différence, c’est que c’est écrit, qu’il
y a un protocole. C’est tout. Pour ce qui est du Code de déontologie, il contient des règles évidentes, fondamentales, que tout professionnel devrait appliquer.

L’encadrement de la pratique professionnelle passe aussi par l’inspection professionnelle. Elle fait peur à certains. Pourquoi ? Parce qu’on la perçoit sinon comme une coercition, du moins comme une contrainte désagréable. Pourtant, la plupart des commentaires que nous recevons chaque année sur l’inspection sont positifs. Les membres inspectés nous remercient très souvent de leur avoir fait des observations pertinentes, de leur avoir indiqué ce qui pourrait être amélioré. C’est de l’accompagnement, et non de la coercition.

Le deuxième axe est « Agir pour influencer par l’accentuation de la présence de l’Ordre et de celle de ses membres ». Il est beaucoup question de valorisation, dont on parle en fait depuis longtemps.

Nous voulons par cet axe accroître la présence de l’Ordre et de ses membres sur tous les fronts. Nous avons déterminé dans le précédent plan stratégique quelle était notre place, nous avons commencé à la prendre. Maintenant, au cours des trois prochaines années, nous voudrions occuper tout l’espace possible, dans les activités que nous organisons et dans celles que d’autres tiennent. Nous serons présents dans les médias, mais aussi dans les réseaux sociaux, sur notre fil Twitter, sur notre page Facebook, sur notre site Web. Tout cela va être complémentaire.

Pourquoi insister autant sur ce point ?

Il faut persuader nos membres. Oserai-je le dire ? Je ne suis pas certain que tous les traducteurs, terminologues et interprètes agréés sont personnellement convaincus de leur valeur. Beaucoup n’utilisent même pas leur titre. La mention « agréé » est pourtant importante, c’est ce qui nous distingue des autres ! Cela ne veut pas dire que nous sommes meilleurs, cela veut dire que nous offrons plus. Parce que nous acceptons d’être régis par le Code des professions et par une série de règlements, dont le Code de déontologie. Nous offrons une plus-value à nos clients, qu’il s’agisse du professionnalisme ou de la protection.

On entend souvent les traducteurs se plaindre de la conjoncture, notamment de la baisse des tarifs. Y a-t-il un lien avec la valorisation,
la perception de la valeur de nos professions ?

Nous mettons le pied sur un terrain glissant… Je pourrais m’en tirer en disant que cela ne fait pas partie de la raison d’être de l’Ordre, mais ce serait trop facile ! Évidemment, je ne suis pas dans le bureau de chacun des membres, je ne sais pas comment ils négocient avec leurs clients. Bien sûr,
il y a la concurrence mondiale, phénomène que nous ne connaissions pas il y a quelques années. Les cabinets d’ici sont en concurrence très vive avec les cabinets étrangers, américains notamment, qui exercent de fortes pressions à la baisse. Et si les cabinets d’ici obtiennent des tarifs moins élevés, cela se répercute sur les tarifs des pigistes !

Pour obtenir plus que son concurrent, il faut sortir du lot. J’ai moi-même, il y a quelques années, commencé à explorer la voie du rôle-conseil. Si
je résume grossièrement, il s’agit de devenir le partenaire de ses clients plutôt qu’un simple exécutant. Cela passe donc par la valorisation : être conscient de sa valeur comme partenaire d’affaires. Pourquoi ne serait-on pas les conseillers linguistiques de nos clients, par exemple ? À cet égard, l’Ordre publie, sur son site Web, des capsules destinées aux clients et au grand public afin de les renseigner sur nos rôles, pour qu’ils jettent un regard différent sur les traducteurs, les terminologues et les interprètes agréés.

J’aimerais aussi parler de notre présence accrue dans le système professionnel. La directrice générale et moi assistons à toutes les réunions du Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ) et, avec les membres de la permanence, nous participons à des forums et à des groupes de travail de cet organisme. Nous voulons intensifier notre présence là aussi, pour bien faire sentir notre influence. Quand j’entends d’autres professionnels dire qu’ils ne savaient pas qu’il existait un ordre réunissant les traducteurs, terminologues et interprètes agréés, ça me dérange. Nous allons donc faire en sorte d’être plus présents non seulement dans ce système, dont nous faisons partie, mais aussi à l’échelle locale, nationale et mondiale.

Le troisième axe est « Agir pour influencer par l’établissement d’une structure de gouvernance optimale ». Quel objectif cherche-t-on
à atteindre ici ?

La structure actuelle est lourde pour un petit ordre comme le nôtre. Nous comptons quelque 2 000 membres et avons un CA de 17 personnes. En raison du nombre d’administrateurs, nous sommes obligés de doubler le CA d’un comité exécutif, le CE, auquel la plupart des pouvoirs du CA sont délégués et qui prend des décisions entre les réunions du CA. D’une part, c’est très lourd. D’autre part, je pense que les membres du CA ont parfois l’impression de ne pas avoir de pouvoir décisionnel ou de manquer d’influence.

Ce que nous voulons faire, et c’est tout à fait dans la mouvance des ordres professionnels et encouragé par l’Office de professions du Québec, c’est réduire la taille du CA et apporter divers autres changements pour obtenir une structure à la fois transparente, efficace et efficiente. Nous voulons que les membres du CA se sentent concernés, sentent qu’ils ont une responsabilité et de l’influence.

Les membres ont-ils un rôle à jouer dans la mise en œuvre de ce plan stratégique ?

Tout à fait ! Comme je l’ai dit tout à l’heure, il faut une synergie si nous voulons atteindre nos objectifs. Nos membres doivent d’abord et avant tout
être conscients de leur valeur et influencer leur entourage, leurs clients, leur monde à eux. Et évidemment, tout cela – le plan stratégique, les plans d’action annuels – ne se met pas en place tout seul. Ça se fait avec des membres, dans des comités et des groupes de travail, d’où l’importance du bénévolat.

Un souhait pour 2017, quelque chose de concret, « la » chose à réaliser ?

Des souhaits, j’en ai plein ! Mais le plus grand, et je pense que c’est réalisable, c’est que l’OTTIAQ devienne, pour ses 25 ans, un incontournable pour le système professionnel, pour le monde des affaires, pour les médias. Nous pourrons alors dire que non seulement nous avons pris notre place, mais que nous avons de l’influence.

 

Free machine translation can leak data

By Barbara McClintock, C. Tr.

A July 2014 article in TC World explains how free machine translation (MT) sites and free Wi-Fi at airports and coffee shops can leak data. Data security can be breached by unencrypted Internet use by employees and “whenever they send translation jobs off to their contractors.” The author points to Google Translate, Microsoft Bing Translator, Babylon and other free translation sites, as well as their mobile equivalents, as possible sources of leaks. Don DePalma, the founder and Chief Strategy Officer at the independent market research firm Common Sense Advisory, considers that the use of free MT sites is a growing security threat. He cites Google Translate’s disclosure that 200 million people use its free MT every day. Free online MT represents “just one of the many corporate holes through which data can leak.” However, organizations have not recognized or addressed the issue yet, according to Mr. DePalma.

Source: http://www.tcworld.info/rss/article/free-machine-translation-can-leak-data/

Militer pour la profession

betty-cohen-comiteBetty Cohen, aujourd’hui responsable des services de traduction chez PricewaterhouseCoopers, a en réalité deux parcours parallèles. L’un professionnel et l’autre associatif. Chacun de ces parcours a des ramifications. Le tout tend vers une seule direction : la traduction. Traductrice, réviseure, terminologue, chargée de cours dans trois universités, vice-présidente du CTIC, membre du conseil puis présidente de la FIT, de la STQ et de l’OTTIAQ. Aujourd’hui, après
avoir contribué pendant 20 ans à la bonne marche du magazine Circuit, Betty Cohen passe
le flambeau.

Par Danielle Jazzar, trad. a.

 

Quel est le secret de Betty Cohen ? Comment a-t-elle porté toutes ces casquettes et concilié toutes ces activités parallèlement à son gagne-pain ?

Quand elle entre dans les locaux de l’OTTIAQ, Betty Cohen se sent comme chez elle. Elle a le pas dynamique et le regard pétillant, rempli de cette passion débordante qui la garde encore et toujours au service du métier de traducteur.

L’amour de Betty pour les langues naît à l’âge 15 ans, quand elle commence à apprendre l'anglais et l'espagnol au lycée français, au Maroc. Pourtant, ses parents et son entourage, plutôt portés vers les sciences, ne l’encouragent pas à aller dans cette voie. Elle doit poursuivre un cursus plus « noble », plus matheux. Elle choisit l’économie. Quand la famille s’installe au Canada et que Betty va au cégep, ses enseignants décèlent vite son don pour les langues et la poussent à se diriger vers des études universitaires de traduction. C’est le début d’une vie qui sera presque entièrement consacrée à sa profession de traductrice. 

La chance et le hasard

Le parcours professionnel de Betty tourne autour de deux pôles. Le premier, c’est la traduction-révision-terminologie, le métier à proprement parler. Elle y doit son succès, dit-elle, à la chance et au hasard. Parce qu'elle faisait partie d'une des dernières promotions de l'âge d'or de la profession, qui ont été placées avant même de sortir de l'université. C'est ainsi qu'elle a tour à tour travaillé dans les services de traduction de diverses entreprises et à son compte, jusqu'à son poste actuel chez PricewaterhouseCoopers, où elle est responsable des services de traduction. Ce cheminement, elle le résume vite et le décrit comme « relativement normal » ; il a toutefois été le pivot de tous ses autres parcours.

Le deuxième pôle, c'est l'enseignement. Elle y accède « par hasard » quand, après qu’elle eut reçu sa maîtrise, son directeur de mémoire lui demande de prendre au pied levé la relève de son cours à l'Université de Montréal. Elle dit oui. Quelques jours plus tard, il lui propose un autre cours... et elle dit encore oui. Elle démissionne de son emploi d’alors et s’établit à son compte. Puis elle accepte d'autres charges d’enseignement
à McGill, puis à Concordia. C'est ainsi que, du jour au lendemain, elle s'est jetée dans ce qu'elle a toujours aimé faire : transmettre la connaissance.

Beaucoup se seraient contentés de cette vie bien remplie, entre la traduction et l'enseignement, mais pas Betty. Si elle aime son métier et qu’il la satisfait, si elle aime la tournure qu’il a prise – car elle est plutôt dans la gestion aujourd’hui, tout en appréciant ce qu’elle appelle « re-rentrer dans ses pantoufles quand elle fait de la traduction-révision » –, elle avoue qu’elle a eu besoin d’autres activités pour stimuler sa carrière et la motiver.

Des vies parallèles

Son parcours associatif est en fait une vie parallèle à celle de son gagne-pain, une deuxième vie qui lui a permis de ne jamais s’ennuyer. Là encore, elle affirme que ce qui l’a amenée à s’investir dans les associations de traducteurs, puis dans le combat pour la reconnaissance professionnelle, c’est le hasard, toujours le hasard. Au départ, un ami lui a demandé de l'aide dans un comité de la Société des traducteurs du Québec (STQ) ; elle
a répondu présente et s'y est engagée à long terme. De fil en aiguille, son engagement s'est accentué, intensifié. Acceptant tous les mandats qu'on lui proposait, elle a fait partie du conseil, puis du bureau ; elle a été vice-présidente, puis présidente. Sa devise : « Je suis là, il y a quelque chose
à faire, je sais le faire, je peux le faire, voilà j'y vais. » Et c'est avec la même passion qu'elle s'est lancée dans les efforts pour la reconnaissance professionnelle. Elle avait des idées, on lui a demandé de les mettre en œuvre, elle a foncé. Elle a fait partie de l'équipe qui a présenté le mémoire de la STQ à l'Office des professions du Québec. Thomas Mulcair, alors président de l’Office, a débloqué le dossier au moment où elle était présidente de la STQ. C'est ainsi qu'elle s'est retrouvée première présidente de l'OTTIAQ.

Aujourd’hui encore, elle travaille activement pour la réserve d’actes. En effet, quand il a fallu s’y atteler, elle était prête. Elle en a fait son cheval
de bataille, parce que, selon elle, l’Ordre manque d’armes, et l’une de celles qu’on peut lui donner, c’est de réserver certains actes. Betty fait partie de ceux qui se battent pour que les vrais traducteurs, membres de l’Ordre ou pas, puissent se réunir et montrer la valeur de ce qu’ils font, dans un marché où, dit-elle, il y a un peu tout et n’importe quoi.

Quant à Circuit, il est selon elle l’outil essentiel de l'OTTIAQ, car tout ordre professionnel et toute association se doivent de communiquer avec leurs membres au moyen d’un magazine, pour les mettre au courant de ce qui s’y passe, et aussi pour la formation continue. Betty a commencé à y écrire pour préserver sa créativité et garder sa plume active. Elle s’est rendu compte, dès ses débuts dans la traduction, qu’elle devait continuer à rédiger, car à force de transposer les idées des autres, elle risquait de perdre les siennes.

Une chose à la fois !

Malgré toutes ces activités, Betty Cohen ne se sent pas débordée. Dans une de ses journées types, où elle mène de front plusieurs activités, elle clame avec humour qu'elle fait… une chose à la fois !

Car tout tourne autour de la profession. Le gagne-pain bien sûr, puis les associations de la profession : la STQ puis l'OTTIAQ, le Conseil des traducteurs et interprètes du Canada (CTIC), la Fédération internationale des traducteurs (FIT), le magazine Circuit, ainsi que l’enseignement de
la traduction. Elle a mené tout cela de front, car elle se serait tout bonnement ennuyée en menant seulement une carrière de traductrice-réviseure. C’est d’ailleurs à toutes ces activités bénévoles qu’elle doit son poste actuel de gestionnaire et de responsable des services linguistiques chez PricewaterhouseCoopers, car elles lui ont permis d'apprendre à gérer et à motiver des équipes de bénévoles comme celle de Circuit, et aussi comme à la FIT, où elle devait composer avec seize personnes provenant de cultures différentes.

Elle réussit même à inclure dans ses journées-marathons des lectures de magazines et de journaux, surtout économiques, pour se tenir à jour
dans son domaine, qui est toujours lié à l'actualité, et parce qu’elle est une « bouffeuse d'infos ». Ses week-ends sont quand même consacrés
à la détente et à la lecture, avec quelques sorties de théâtre, de cinéma, de dégustation de vin.

Se réapproprier la profession

Malgré ce parcours impressionnant, Betty Cohen reste modeste et affirme qu'elle a toujours travaillé en équipe, et que ceux qui œuvrent dans l'ombre ont autant de mérite qu'elle dans tout ce qu'elle a accompli pour la reconnaissance professionnelle. Elle aimerait que les jeunes profitent
de son expérience dans le domaine. Elle voudrait leur expliquer qu’il existe deux sortes de traduction : la traduction de masse, qui peut se faire
à coups de mémoires de traduction, et la traduction spécialisée, qui exige une formation, une volonté d’apprendre, une ouverture d’esprit, et surtout le courage de lâcher l’outil.

En fait, le conseil important qu'elle voudrait donner aux nouveaux traducteurs aujourd’hui, c’est de ne pas perdre leur capacité de traduire, car la machine, c’est une béquille. Et la béquille, on s’y habitue… Et quand on s’habitue à être soutenu, les jambes fléchissent !

Ce qu'elle aimerait dire aux traducteurs, jeunes et moins jeunes, c'est qu'aujourd’hui, ce ne sont pas les traducteurs qui ont pris le marché de la traduction, ce sont les gens d’affaires. Il faut absolument que les traducteurs se réapproprient leur profession. Ce sont eux qui comprennent leur métier, ce sont eux qui savent où il commence et où il s'arrête ; c'est donc à eux de le prendre en main. Cela veut dire qu'il faut sortir de son
bureau, sortir de son sous-sol et se regrouper, car l’union fait la force.

Quoi de neuf en matière de technologie et d’affaires ?

Par Sébastien St-François, trad. a.

Du côté de la technologie…

Ça bouge ! On apprend notamment que Microsoft travaille à l’élaboration d’un outil permettant la traduction presque en temps réel, nommé « Skype Translator ». Le lancement d’une version beta compatible avec Windows 8 est prévu pour la fin de 2014.

Le nouvel outil utilise une démarche en trois étapes. D’abord, il transcrit les mots prononcés par l’interlocuteur dans un logiciel de reconnaissance de la parole. Ensuite, le texte est traduit à l’aide de Bing Translator, puis lu à haute voix par un synthétiseur vocal.

Parmi les principaux défis qui se posent : la capacité d’interpréter la tonalité des voix de différents utilisateurs et les nuances apportées dans différentes langues, ainsi que l’arrimage entre la façon dont les gens parlent et celle dont ils écrivent.

Mais ça progresse. À l’heure actuelle, les résultats « sonnent robot » et les traductions sont loin d’être parfaites, mais le programme pourra traiter une quarantaine de langues sous peu. Plus de dix ans de recherche ont jusqu’à maintenant été investis dans le développement de cette technologie.

Pour en savoir plus :

Twitter commence également à utiliser Bing Translator, notamment dans le cas de son application officielle pour Android. Cependant, traduire des gazouillis est n’est pas facile en raison de la limite de 140 caractères. Les algorithmes informatiques doivent composer avec des acronymes, des abréviations, le jargon propre à Twitter ainsi que des mots-clics combinant souvent plusieurs mots sans espace entre eux.

Pour en savoir plus :

Du côté du marché…

En mai dernier, le magazine Les Affaires a publié deux articles qui s’inscrivaient parfaitement dans le thème du congrès 2014 de l’OTTIAQ : Horizon innovation – nouvelles réalités, nouvelles pratiques.

Alors que le Canada ne représente que 0,5 % de la population planétaire, il détient 10 % du marché mondial de la traduction professionnelle (évalué à 31 milliards de dollars en 2012). La réputation mondiale du Québec comme pôle langagier est particulièrement bien établie, mais la concurrence mondiale se fait de plus en plus féroce. Les langagiers professionnels du Québec et du Canada devront donc faire preuve de créativité et d’ingéniosité s’ils veulent maintenir, voire renforcer, l’avantage concurrentiel qui leur sert bien depuis des décennies. Pour continuer à tirer leur épingle du jeu, ils seront appelés à innover et à faire les choses autrement.

Pour en savoir plus :


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