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Vivre avec son temps

Le passage à l’édition en ligne n’a pas été chose facile, mais il fallait que Circuit reste moderne et pertinent.

Par Betty Cohen, traductrice agréée

En 2013, Circuit a eu 30 ans. Trente années pendant lesquelles, au fil des articles, le magazine a relaté les évolutions, progrès et déboires de nos professions.

2013, c’était aussi les progrès technologiques, les téléphones intelligents, les réseaux sociaux, les journaux en ligne. Tout cela s’installait depuis déjà quelques années. Le monde avait changé et ce n’était que le début. Sans compter que nous étions en pleine crise économique.

Les questionnements

Plusieurs grands journaux et magazines avaient une version en ligne et se posaient la question de la viabilité du papier alors que celui-ci était délaissé par de plus en plus de lecteurs qui préféraient l’immédiateté et la commodité de l’écran. À son échelle, Circuit n’était pas en reste, d’autant plus que l’édition papier coûtait de plus en plus cher et que les budgets de l’Ordre n’étaient pas illimités. Il faut savoir que le magazine est entièrement subventionné par l’OTTIAQ à même les cotisations de ses membres, le tirage n’ayant jamais été suffisant pour attirer de gros annonceurs. Mais notre magazine était là et il l’est encore, preuve du dynamisme de son équipe de rédaction.

J’étais à la barre du vaisseau Circuit à ce moment-là et nous nous sommes posé de nombreuses questions : fallait-il faire un virage numérique complet ou conserver le papier en même temps? Si nous options pour le tout numérique, notre lectorat allait-il nous suivre? Si nous nous cantonnions au format papier, le lectorat plus jeune allait-il nous suivre? Allions-nous perdre en notoriété si nous virions au numérique? Allions-nous passer pour un magazine ringard si nous conservions uniquement le format papier?

Autant de questions qui ne pouvaient trouver de réponse que dans un sondage des lecteurs du magazine. Donc sondage il y a eu et… nous n’étions pas plus avancés, car notre lectorat était aussi partagé que nous. Ce sont donc en petite partie les considérations financières et en grande partie l’envie de s’inscrire dans l’air du temps qui a incité l’équipe à opter pour le tout numérique. Circuit avait été créé 30 ans auparavant dans un souci de moderniser, dynamiser et « professionnaliser » l’image du traducteur. Il nous fallait rester fidèles à cette image et vivre avec notre temps. Dont acte.

La réalisation

Nous voyions de nombreux avantages à l’édition en ligne. Dans nos rêves, nous n’étions plus prisonniers d’un nombre de pages fixe. La longueur des articles pouvait donc varier, ce qui allait plaire aux collaborateurs du magazine. Surtout, nous allions pouvoir exploiter les possibilités techniques et éventuellement ajouter des vidéos, des effets d’image, etc. La réalité nous a toutefois rattrapés : il fallait, pour retenir et même augmenter notre lectorat, que la lecture soit facile, que l’information principale tienne sur un seul écran et que les articles ne soient pas trop longs et fastidieux à lire en ligne. Par ailleurs, souci primordial, il fallait que nos lecteurs amateurs de papier puissent imprimer leur magazine à leur guise. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, chaque article peut être imprimé dans un format facilement lisible.

Puis sont venus les aspects pratiques. Comment ça se monte un magazine en ligne? À quoi faut-il penser? À qui s’adresser? Comment éviter les écueils? Nous avons donc fait appel à des professionnels et obtenu plusieurs propositions de graphisme, mise en page, etc. Après quelques tentatives, l’équipe a décidé de conserver le graphisme du format papier pour le titre afin de rester dans la continuité. Le reste a suivi et donné le magazine en ligne que nous connaissons encore aujourd’hui.

Le premier numéro

Nous avions choisi de célébrer le 30e anniversaire de Circuit dans ce premier numéro en ligne, pour bien affirmer que, si nous changions d’ère et de format, nous restions fidèles à notre mission. Mais comment marquer la transition de façon intéressante pour nos lecteurs, d’autant plus qu’ils vivaient eux-mêmes une transformation drastique de leur quotidien grâce aux technologies ou à cause d’elles?

La sagesse dit que pour mieux préparer l’avenir, il faut connaître son passé. Or un grand nombre de nos lecteurs plus jeunes n’avaient certainement pas connu l’évolution de nos professions. Nous pouvions, en retournant dans les anciens numéros, retracer cette évolution et donner un aperçu des progrès accomplis ainsi que des réflexions qui avaient jalonné notre histoire sur les 30 années passées, 30 années de changement radical.

L’équipe s’est donc attelée à la tâche et a parcouru tous les anciens numéros pour en ressortir les articles qui témoignaient, comme il est dit dans l’un des articles, « des flux et reflux » de la profession, du côté francophone comme du côté anglophone.

Cinq grands thèmes ont été ainsi dégagés sous lesquels nous avons regroupé des articles qui, si on les lit dans l’ordre chronologique, retracent vraiment notre cheminement et celui de la Société des traducteurs d’abord et de l’OTTIAQ ensuite. Voici chacun de ces thèmes ainsi qu’une citation tirée de l’introduction.

Le marché – « Fournisseur en amont et clients en aval, un traducteur, une traductrice surfe sur le marché et épouse au plus près ses flux et ses reflux… »

Les conditions d’exercice – « Si la traduction est périodiquement en crise, c’est que l’économie qu’elle dessert l’est aussi. Années fastes et néfastes se succèdent en alternance tandis que le poumon économique inspire et expire. »

La formation et la relève – « Une entreprise vaut ce que valent ses ressources humaines. Une profession aussi. La transmission des compétences d’une génération à l’autre est la clé de son épanouissement dans le temps. »

La reconnaissance professionnelle – « Encore aujourd’hui, les langagiers professionnels que nous sommes s’interrogent parfois sur la place qu’ils occupent dans le système professionnel québécois. Il ne devrait pas en être ainsi. En effet, depuis 1992, nous disposons de nombreux outils pour faire rayonner les nobles professions que nous exerçons et en renforcer la reconnaissance publique. »

L’informatique (nous dirions les technologies aujourd’hui) – « Au départ simple outil servant à accélérer le travail, l’ordinateur se met à se prendre lui-même pour un traducteur. »

À la lecture de ces citations, on constate bien que, si la forme évolue, le fond change peu, et que les préoccupations d’hier sont celles d’aujourd’hui. Tout est toujours à remettre sur le métier, sauf que cette fois c’est la version 3.0… ou 4, pour GPT 4.

À suivre…


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