L’heure est aux compressions budgétaires dans tous les secteurs d’activité. Le milieu langagier n’échappe pas au phénomène et trop souvent, ce sont les terminologues qui paient la note. De deux choses l’une : soit on leur demande d’être polyvalents, soit on leur montre carrément la porte. Comment en sommes-nous arrivés là? Avec l’avancée des technologies, il devrait en être tout autrement.
Que faut-il faire pour remettre la terminologie sur la carte? Comment convaincre les gestionnaires de services linguistiques et les décideurs du rôle clé que joue la terminologie? Qu’il s’agisse de la conception d’un produit, de la traduction d’un système informatique ou encore de l’élaboration d’un guide technique, la terminologie fait partie intégrante du processus langagier.
Chez TRSB, nul besoin de faire des pieds et des mains pour se faire entendre en matière de terminologie. Traducteur de formation et de métier, Serge Bélair a connu l’époque du dictaphone et de la transcription. Au fil des ans, son volume de travail va croissant, au point qu’il crée en 1987 son propre cabinet – Les traductions Serge Bélair, aujourd’hui TRSB. Situé en plein cœur du Vieux-Montréal, le cabinet s’est taillé une place de choix sur le marché. De fait, sa réputation n’est plus à faire : TRSB compte près de deux cents employés, dont une centaine de langagiers, et offre des services de terminologie, de traduction bilingue et multilingue ainsi que d’interprétation dans plusieurs langues à de prestigieux clients répartis sur quatre continents, sans compter les services d’infographie, de localisation et de médias.
Pour Serge Bélair, une chose est certaine : il n’y a pas lieu de remettre en question le bien-fondé de la terminologie et son apport réel à la qualité de la langue et à la productivité. M. Bélair ainsi que Mme Claudia Desrochers, chargée d’équipe en terminologie, ont accepté de nous en parler plus longuement.
TRSB a embauché son premier terminologue, Daniel Rondeau, en 1999. À l’époque, il s’occupait seul de la terminologie de l’ensemble des clients et a donc fait œuvre de pionnier. Aujourd’hui, huit terminologues se répartissent les tâches sous la direction de la chargée d’équipe.
Nos terminologues ont des clients attitrés selon leurs domaines de spécialité. Ils effectuent les recherches ponctuelles pour les textes que leur confient ces clients et ils gèrent aussi leur propre base de données terminologiques. La gestion de la terminologie est une condition sine qua non à la clarté et à la qualité des communications. Les terminologues de TRSB sont de véritables « gestionnaires de projets ».
Outre les grandes bases de données traditionnelles, les terminologues ont accès, au même titre que les autres langagiers, à l’ensemble des outils et services – concordanciers, outils de localisation et de traduction assistée par ordinateur, etc. – que le cabinet met à la disposition de tout son personnel.
Très certainement. Prenons les concordanciers : ils permettent aux terminologues d’accélérer de beaucoup le dépouillement des textes et l’élaboration de lexiques et de glossaires. Les terminologues gagnent donc en productivité, tout comme les traducteurs.
La plupart ne le sont pas, mais nous avons mis sur pied un programme de mentorat, l’Académie TRSB, dans le cadre duquel nous offrons des ateliers de formation en ligne et des conférences données par des spécialistes du milieu. Grâce à ce programme, TRSB collabore au transfert des connaissances et au perfectionnement d’une nouvelle génération de langagiers qui seront mieux outillés pour devenir membres de l’OTTIAQ s’ils le désirent.
La terminologie vaut son pesant d’or! Non seulement permet-elle d’économiser temps et argent mais elle contribue également à améliorer la qualité et l’uniformité des textes d’un même client, quel que soit le domaine. Le travail de dépouillement automatique que font les terminologues préalablement à la traduction évite les pertes de temps et augmente de beaucoup la production, ce qui se traduit par des gains pour le client. Par ailleurs, la gestion de la base de données d’un client permet à ce dernier d’avoir une terminologie à jour et, de surcroît, d’assurer l’efficacité de ses communications. La terminologie a donc une valeur ajoutée indéniable au sein d’un cabinet de traduction.
Il faudrait une étude statistique pour être en mesure de quantifier l’apport de la terminologie au regard de l’augmentation du rendement et du chiffre d’affaires de TRSB. Chose certaine, elle a engendré et engendre encore des économies fort appréciables même si les retombées financières ne sont pas visibles sur-le-champ.
En 2003-2004, le Bureau de la traduction du gouvernement du Canada a mené une enquête1 auprès de plus de 3 000 entreprises (établissements financiers, entreprises pharmaceutiques et de services publics, cabinets de traduction, etc.) au pays en vue de déterminer la valeur économique de la terminologie. Cette étude visait essentiellement à en évaluer la valeur en regard des dépenses, des revenus et du rendement de l’investissement.
La collecte des données a clairement démontré qu’investir dans la terminologie était rentable. Par exemple, on est en mesure d’affirmer que le salaire d’une ou d’un terminologue se paie intégralement si l’on prend en compte le travail rémunéré d’un groupe de 5 à 10 traducteurs ou de 3 à 5 réviseurs. De même, pour une heure de travail en traduction ou en révision à un tarif de 80 $, entre 8 $ et 24 $ sont imputables à la terminologie.
Même si ces données remontent à plusieurs années, elles sont sûrement toujours valides, à quelques détails près. Une étude plus poussée sur l’apport de la terminologie à la rentabilité d’une entreprise serait une excellente façon de mettre ces données à jour et de sensibiliser les gestionnaires à l’utilité de la terminologie.
Dès le moment où nous prenons la terminologie d’un client en charge, un climat de confiance s’installe. Si le client est satisfait, il n’hésitera pas à nous confier de nouveaux mandats qui peuvent aller de la gestion d’une base de données à la traduction d’un nouveau logiciel, ce qui exige d’établir une nouvelle terminologie, qui doit être ensuite consignée et mise à jour. Parfois, il faut dépêcher une petite équipe sur place pour simplifier et accélérer le processus de travail. Le client prend ainsi conscience de l’importance de faire appel à nos services de terminologie et en accepte plus facilement les coûts y afférents, ce qui concourt à maintenir les tarifs stables.
À l’occasion, selon le type de mandat. Par exemple, nous travaillons actuellement avec une terminologue pigiste pour élargir le corpus finances. Il est difficile de quantifier dans quelle proportion le recours à des pigistes peut augmenter la productivité d’une entreprise, mais le rapport qualité-prix est positif.
La pratique privée en terminologie augmentera comme dans tous les autres secteurs d’activité. Les terminologues devront continuer de faire preuve d’une grande polyvalence et combiner différents aspects du domaine langagier pour étendre leur champ d’expertise.
Quelle sera la terminologie de demain? Se fera-t-elle en vase clos? Se prêtera-t-elle davantage à l’automatisation, voire à l’intelligence artificielle? La profession évoluera-t-elle ou assisterons-nous à la disparition graduelle de la fonction? Chose certaine, il faudra travailler à faire valoir l’utilité de la terminologie de même que sa contribution à la clarté, à l’uniformité et à la qualité des communications et exiger que les programmes d’études s’adaptent à la réalité de demain.
1. Gouvernement du Canada, Bureau de la traduction, Étude sur la valeur économique de la terminologie, 2003-2004, Ottawa.
Hélène Michon a travaillé douze ans comme terminologue à Air Canada, puis en pratique privée pendant une quinzaine d’années. Elle est réviseure-terminologue à Hydro-Québec depuis 2007.