La terminologie est présente dans tous les domaines de la connaissance, de l’aérospatiale à la comptabilité, en passant par la médecine et les sports. Elle s’exprime dans toutes les langues. Au Canada, elle le fait notamment en français, en anglais et dans plusieurs langues autochtones.
Mais où sont-ils, où sont-elles, ces terminologues? Bien sûr, l’Office québécois de la langue française (OQLF) – dont Johanne Maltais présente les plus récentes réflexions – et le Bureau de la traduction (BT) du gouvernement du Canada, chefs de file à l’échelle mondiale, en comptent un assez grand nombre : l’OQLF, une vingtaine; le BT, une trentaine. D’autres organisations publiques, comme la Banque du Canada et le gouvernement de l’Ontario, emploient des terminologues, mais on en compte aussi dans certaines grandes entreprises et dans quelques cabinets de traduction. Hélène Michon a rencontré le propriétaire de l’un d’entre eux.
En fait, tous les services langagiers qui ont à cœur la qualité et la productivité en matière de communications gèrent de la terminologie. Le praticien de cette discipline, en plus de traiter de questions purement linguistiques, est appelé à se prononcer sur des questions de féminisation, d’appellations d’emploi ou de rectifications de l’orthographe, par exemple, ou encore à prodiguer des conseils linguistiques de toute nature.
Selon les besoins, il se pratique différentes formes de terminologie. Ainsi, la terminologie thématique, soit l’établissement de nomenclatures sur des sujets spécialisés, est surtout le fait d’organismes gouvernementaux, mais il existe des exemples de ce type de travail au privé. Vincent Roy raconte le grand chantier terminologique qu’a mené un cabinet de traduction montréalais en collaboration avec une entreprise ottavienne spécialisée dans les outils d’ébénisterie, de jardinage et de quincaillerie.
Quant à la terminologie ponctuelle, elle répond principalement aux besoins des traducteurs ou d’autres employés d’une entreprise qui ont notamment pour tâche de communiquer de l’information claire. Le travail des terminologues s’apparente alors à celui des urgentologues. Les traducteurs les consultent souvent en dernier ressort et les besoins communicationnels des autres employés sont d’habitude pressants. Le travail des terminologues est précieux dans de tels cas.
Certaines organisations affectent quelques-uns de leurs terminologues à des travaux de normalisation. C’est le cas de CPA Canada (Comptables professionnels agréés du Canada), où ces langagiers créent notamment des fiches terminologiques qui enrichissent le Dictionnaire de la comptabilité et de la gestion financière, modèle imposant de normalisation à l’échelle internationale.
Il y a aussi ce qu’on pourrait appeler la terminologie générale. À Radio-Canada, par exemple, on travaille au fil de l’actualité : la terminologie grand public y a donc une place de choix. On y produit notamment, à l’usage des journalistes, un bulletin hebdomadaire de conseils linguistiques qui porte sur les sujets de pointe.
Comme tous les langagiers, les terminologues font aujourd’hui appel à la technologie pour mener leurs tâches à bien. Ils se servent de concordanciers pour effectuer des recherches, de banques de terminologie pour en diffuser le résultat, et de terminométrie pour évaluer l’usage ou l’implantation d’un terme. La terminologie computationnelle, que présente ici Daphnée Azoulay, est là pour rester.
Le recours aux outils de traduction assistée par ordinateur fait également partie du quotidien des terminologues. Tous s’entendent pour dire que ces outils accélèrent grandement la recherche, mais il est entendu qu’ils ne remplacent pas le jugement du terminologue dans la gestion des bases de données, et ne peuvent aucunement exercer la fonction de normalisation.
La terminologie est un levier puissant dans l’exercice de la communication. Comment dès lors en établir la valeur? Dans les grands cabinets de traduction, productivité, efficience et efficacité sont au nombre des éléments qui sous-tendent la rentabilité. Qu’en serait-il de ces facteurs sans les banques de terminologie et les bases de données terminologiques? Sans les multiples bases de données gérées par les terminologues? Si plusieurs cabinets de traduction consacrent une partie de leur budget à la terminologie, c’est certainement parce que celle-ci revêt pour eux une valeur économique. Il serait intéressant de trouver un moyen de mesurer cette valeur.
Depuis vingt ans, les liens entre terminologues s’effritent. L’isolement est de plus en plus grand, les conditions de travail changent, le rythme de vie s’accélère. L’ère des rencontres pour parler du boulot est révolue. Pourtant, il n’y a rien de tel pour créer des liens professionnels. Il serait peut-être temps de remettre la formule au goût du jour et même de l’élargir pour y inclure des experts dans les domaines que touchent ou qui touchent les terminologues, comme le traitement automatique des langues, les sciences de l’information et l’intelligence artificielle.
On commence à comprendre que la formation des langagiers, dont Carlos del Burgo décrit la forme actuelle, devra très bientôt inclure le concept de réseautage. Jean Quirion, de l’Université d’Ottawa, ainsi que quelques-uns de ses étudiants, reviennent sur une expérience qui va dans ce sens. C’est un début. Le regard que pose Elisabeth Marshman, également de l’Université d’Ottawa, sur ce que la terminologie sera demain, postule toutefois que la formation universitaire dans son ensemble emboîte le pas. C’est ainsi que la discipline, comme la profession, occupera toute la place qui lui revient et brillera de tous ses feux.
Nycole Bélanger est membre d’honneur de l’OTTIAQ ainsi que de l’ACGL (Association des conseils en gestion linguistique). Elle est responsable du Comité de terminologues agréés de l’Ordre et coprésidente du Comité mixte sur la terminologie au Canada (CMTC).