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La terminologie thématique : le cas Lee Valley

Lorsque l’entreprise ottavienne Lee Valley, spécialisée dans la fabrication et la vente d’outils et d’accessoires pour le travail du bois et le jardinage, d’articles de quincaillerie et de produits variés pour la maison, a confié à Francisation InterGlobe (FIG) le mandat de traduire son site Internet de l’anglais vers le français, la question de la terminologie s’est rapidement élevée au rang des priorités.

Par Vincent Roy

Quel que soit le domaine, la terminologie thématique représente un défi. C’est d’autant plus vrai dans le cas du travail du bois, qui, chez nous, repose à la fois sur un héritage européen de plusieurs siècles et une réalité nord-américaine à laquelle on ne peut échapper. Ajoutez à cela le nombre limité d’ouvrages de référence en français dans ce domaine, et vous comprendrez la difficulté de constituer un lexique bien adapté au contexte français d’ici. Qui plus est, une grande partie des ouvrages de référence récents dont on dispose est constituée d’ouvrages britanniques qui ont été traduits en France avant de nous parvenir. Cet exemple explique, entre autres, qu’on trouve certaines équivalences erronées dans des bases terminologiques pourtant réputées, car la terminologie européenne ne concorde pas toujours avec la réalité nord-américaine. La situation illustre bien la complexité du travail des traducteurs et des terminologues.

Une stratégie bien orchestrée

Pour contourner ces obstacles, FIG et Lee Valley, dont le site Internet présente des milliers de produits accompagnés de descriptions et souvent de modes d’emploi ou de notices techniques, ont adopté une approche globale. Une des premières mesures établie a été de faire appel à une terminologue en pratique privée. Le travail de cette terminologue, qui s’effectuait parallèlement à celui des traductrices et des traducteurs, consistait à dépouiller les pages du site afin de constituer un lexique propre à l’entreprise et, surtout, adapté à notre réalité. Dans le même esprit, FIG a également sollicité la collaboration de spécialistes de divers domaines tels que l’ébénisterie, la finition de meubles et l’affûtage des outils de coupe.

Un comité de francisation composé de représentants de Lee Valley et de FIG a par ailleurs été chargé d’assurer la qualité du français du site Internet de l’entreprise. Il a été particulièrement actif pendant la phase initiale du projet de francisation : ses membres se sont non seulement penchés sur des cas de terminologie épineux, mais ils ont également établi les règles de présentation du site. À cet égard, un guide stylistique a été produit pour Lee Valley de manière à assurer l’uniformité des diverses publications Web ou imprimées de l’entreprise.

Au-delà de la collecte de données

Si la terminologie relative au travail du bois est riche (encore faut-il trouver les équivalences appropriées), les terminologues et les traducteurs qui s’attaquent à ce domaine – qui a représenté le plus important défi pour l’équipe de FIG – n’en rencontrent pas moins des surprises à l’occasion. Le cas des rabots nous en fournit un bon exemple. Mais une mise en contexte s’impose.

Il existe deux « traditions » dans le monde des rabots : les rabots en bois et les rabots métalliques. Jusqu’au XIXe siècle, les rabots étaient majoritairement faits de bois, tant dans les pays anglo-saxons que francophones (et ailleurs dans le monde, bien sûr). À l’époque, la question des équivalences lexicographiques ne se posait pas. Les choses se sont compliquées quelque peu avec l’apparition des rabots métalliques, ceux-ci étant en grande partie d’origines britannique et états-unienne. Par analogie de forme et de fonction, les rabots métalliques pouvaient prendre le nom de leurs prédécesseurs en bois, comme c’est le cas du guillaume ou de la varlope. Il en allait autrement des rabots spécialisés, dont le hinge mortise plane, breveté par Lee Valley.

Rabot La collaboration de Lee Valley et de FIG a conduit à l’ajout du terme rabot à entailler pour charnière à la nomenclature française des rabots. Photo publiée avec la permission de Lee Valley Tools LTD.

En outre, on sait que des rabots ayant la même fonction s’emploient au moins depuis la fin des années 1940. Une recherche exhaustive (en anglais) a révélé que des modèles du genre en bois auraient cependant existé, mais malgré ses efforts et la magie d’Internet, l’équipe de FIG n’a trouvé nulle trace de cet outil dans le monde francophone. Son travail dans ce contexte a donc consisté à étayer sa recherche et à soumettre certaines propositions à son client afin de créer un nom français pour cet outil. C’est ainsi qu’est né le rabot à entailler pour charnière qui, comme son nom l’indique, est spécialement conçu pour évider les entailles où s’insèrent principalement des charnières, ainsi que d’autres pièces de quincaillerie. Ce dernier point a d’ailleurs été pris en considération lorsque FIG a présenté ses propositions de néologismes aux spécialistes de l’outillage et à l’équipe responsable de la francisation chez le client.

Et ça se poursuit! Même après six années d’étroite collaboration, rares sont les journées où il n’y a pas un « cas » de terminologie à résoudre. Ce travail est hautement gratifiant, car les efforts consentis contribuent à faire de l’entreprise une référence en matière de terminologie dans le domaine du travail du bois. 

Vincent RoyRéviseur principal chez Francisation InterGlobe, Vincent Roy est depuis six ans rattaché au projet de francisation de l’entreprise Lee Valley. Pendant une vingtaine d’années, il a occupé le poste de rédacteur en chef d’une revue mensuelle qui se consacrait à l’ébénisterie et à l’habitation.

 


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