Si la traduction est périodiquement en crise, c'est que l'économie qu'elle dessert l'est aussi. Années fastes et néfastes se succèdent en alternance tandis que le poumon économique inspire et expire. Les années 1960 et 1970, bien grasses, font place à des décennies moins propices. Jadis accueillie pour satisfaire aux exigences du bilinguisme institutionnel, la fonction de traduction constate que le poste de travail qui lui était réservé peut se révéler éjectable.
Là encore, Circuit a témoigné depuis le début des aléas des conditions d'exercice de notre profession, de l'âge d'or des grands services aux années 2000, où il semble que la qualité fait place à la quantité.
Septembre 1984, n° 6, chronique Sur le vif, Louis Jean Rousseau, De la traduction considérée comme l'un des beaux-arts... en voie de disparition ? estime que la croissance exponentielle amorcée au cours des années 1960 et 1970 ne peut se poursuivre indéfiniment.
Puis vint la crise. L'évolution du marché a provoqué récemment une chute de la demande, au moment où l'offre atteignait des proportions inégalées. Alors, les traducteurs au chômage ? S'il y a une crise de la traduction, ce n'est que le reflet de l'état de la société. La traduction n'est pas une réalité indépendante. C'est une fonction nécessaire aux communications dans une économie de marché en récession.
Et de soulever la question, toujours actuelle, de l'intégration, du positionnement de la fonction au sein de l'entreprise, de la perception qu'en ont les opérationnels et décisionnaires.
Pour gagner sa croute, faire preuve de polyvalence.
La traduction a peut-être été trop perçue comme une fin en soi, comme un monde fermé, plaqué sur le marché. Le traducteur est-il vraiment intégré à son environnement ? N'est-il pas perçu comme un être à part dans l'entreprise ? Les services linguistiques sont-ils bien situés dans l'organigramme des entreprises et, de ce fait, jouent-ils le rôle qui devrait leur revenir ?
La situation actuelle nous donne à penser que le traducteur, pour survivre d'abord et pour progresser ensuite, devrait se considérer de plus en plus comme un communicateur dont une des fonctions est la traduction. Cet élargissement de son horizon devrait lui permettre d'acquérir une plus grande polyvalence (conseil linguistique, rédaction, traduction et communication), d'avoir une plus grande mobilité et, par conséquent, de mieux s'intégrer à son milieu de travail, en évitant les attitudes corporatistes qui l'isolent, sur le plan individuel et collectif, et qui nuisent, somme toute, à la profession.
L'intégration au circuit de production, clé de la pérennité. Surtout qu'en temps de crise, l'entreprise tend à impartir les fonctions qui ne relèvent pas de ses activités dites « essentielles ».
Cette impartition crée par ailleurs un nouveau marché, dans lequel s'engouffrent non seulement les traducteurs mis à pied, mais aussi des traducteurs improvisés. Et les tarifs, déjà bas, en souffrent.
Juin 1985, n° 9, Nicole April recueille les propos de Gilles Tremblay, Nathalie Cartier, André Daoust, Hélène Filion, Alain Vanderveken et Marie-Christine Blais, sous le titre Du client à dénicher au tarif à fixer : tarifs battant de l'aile et concurrence accrue.
Depuis les sept ou huit dernières années, les tarifs de la traduction sont stationnaires. Pour ne pas dire en régression. En effet, si on tient compte des frais entraînés par le traitement informatisé souvent exigé par les donneurs d'ouvrage, on peut dire que la traduction rapporte moins qu'il y a 10 ans.
La situation se corse avec la concurrence
Sont venus grossir les rangs des indépendants tous les traducteurs et terminologues victimes des compressions de personnel dans les entreprises. Concurrence accrue, mais acceptée comme normale. Il n'en va pas de même des nombreux sans emplois qui proviennent de tous les milieux, juridique entre autres. Ces nouveaux venus n'hésiteraient pas à casser les prix dans une lutte plus ou moins loyale pour se tailler une place sur un marché déjà abondamment servi. Il faut survivre et la traduction semble être la panacée des chômeurs bilingues.
Par ailleurs, l'informatisation de la profession révolutionne la relation client-fournisseur et la nature même de la fonction par la capacité de traitement et de retouche, de documentation, de communication qu'elle met à notre portée.
Tout traducteur, toute traductrice note les coordonnées d'un informaticien-conseil, d'une boutique informatique dans son carnet d'adresses pour mieux gérer la compatibilité avec ses clients, désormais essentielle. Et de se mettre au parfum d'une suite de matériels et de logiciels dont l'évolution accélérée au fil des ans entraînera inévitablement la désuétude, donc un coût de renouvellement.
Décembre 1985, n° 11, Josée Ouellet Simard en collaboration avec Cedric Pearson, Une fenêtre sur l'univers informatique.
Le marché du micro-ordinateur (celui du matériel en particulier) est en pleine effervescence. L'industrie sort à peine d'une phase d'émergence bouillonnante. Les fabricants (à plus forte raison les marques) sont extrêmement nombreux et la concurrence est intense. En fait, l'industrie approche la phase dite d'« épuration ». Les fabricants les moins solides vont disparaître petit à petit pour céder la marche aux entreprises mieux établies et mieux armées pour faire face à la concurrence.
On compte parmi les logiciels de traitement de texte les plus répandus Microsoft Word, qui vient de paraître en version française, Word Perfect, qui existe aussi en français et comporte un dictionnaire anglais ou français de 100 000 mots, Éditexte, Volkswriter, Multimate, Wordstar et le tout récent XYtexte, perfectionné et souple, mais aussi plus complexe.
On connaît la suite.
Autre tendance émergente en 1987, la traductique. Face à la demande de plus en plus vive, elle prétend à une rapidité de traitement fulgurante. Elle seule permet de tenir la cadence imposée par le cycle de vie accéléré des produits. Les logiciels se multiplient.
Claude Bédard, La traductique... une chimère à prendre au sérieux décrit l'émergence indéniable de ce nouveau marché qui n'éliminera toutefois pas de sitôt l'intervention humaine.
Décembre 1987, n° 19
Du point de vue économique, les nouvelles sont excellentes. Comme nous venons de le voir, la machine à traduire donnera du travail à une armée de réviseurs, ou « post-éditeurs » dans le jargon du métier, sans compter les fonctions d'analyse de corpus, de préparation de dictionnaires, etc.
Par ailleurs, les traducteurs qui tiennent à l'aspect créateur de leur travail n'ont rien à craindre de sitôt : les meilleures chances de la traduction automatique (TA) résident dans les textes longs, spécialisés et répétitifs. Un volume fabuleux de ces textes ne sont tout simplement pas traduits actuellement, faute de main-d'œuvre, de délais raisonnables et de prix abordables. La traductique va donc surtout, dans un avenir prévisible, créer son propre marché – sans tellement entamer celui des textes qui, pour toutes sortes de raisons, exigent la compétence d'un traducteur humain.
C'est donc une nouvelle fonction, celle de postéditeur, qui voit le jour. Ce dont Daniel Deveau prend acte sous le titre Peut-on être postéditeur... et heureux ?
Certaines craintes face à la TA, de prime abord, semblent justifiées. D'abord la machine commet encore beaucoup de fautes grossières, dont la correction continuelle peut occasionner fatigue et frustration. L'ordinateur, en obligeant l'humain à se plier à tous ses défauts, peut devenir un serviteur très exigeant.
Par contre, si le postéditeur sait exploiter intelligemment et adroitement sa machine, il peut récolter une réelle satisfaction, en exploitant à fond toutes les ressources du traitement de texte, il découvrira vraisemblablement toutes sortes de moyens d'automatiser certaines corrections répétitives. Le bricoleur qui sommeille peut-être en lui trouvera là un champ d'action privilégié.
En somme, le postéditeur de demain, « bricoleur » invétéré, ressemblera-t-il encore au traducteur d'aujourd'hui, « fignoleur » un tant soit peu perfectionniste ? On peut croire qu'une véritable mutation devra s'opérer, tant sont différents les moyens et les exigences de travail. Ainsi que les sources de satisfaction professionnelle. Mais rassurons-nous, cette mutation ne sera pas demandée à tout le monde, et la traduction humaine restera nécessaire pendant très longtemps encore.
Là aussi, on connaît la suite. Cependant, s'il est une constante dans les conditions d'exercice de la profession, c'est bien l'accroissement de l'impartition, résultat direct des rationalisations opérées dans les entreprises.
Juin 1988, n° 21
Traitons de sous... traitance Une tendance irréversible, un mouvement de pendule, une réaction passagère à la crise de 1982 ? Cinq gestionnaires posent cette question et d'autres.
Viviane Julien : Beaucoup de ces décisions ont été prises en 1982, une année qui a été dramatique, financièrement, pour toutes les entreprises. Elles ont dû poser la question : que faire pour rationaliser nos activités ?
Nous avons subi le choc des restructurations survenues alors. Il reste à savoir si elles n'ont pas été trop loin. À noter que dans le cas où l'assainissement s'est fait à l'initiative des services visés et de l'intérieur, les licenciements collectifs ont pu être évités.
Michel Roy : Un facteur qui entre sans doute en jeu : le service de traduction a toujours été considéré comme une unité qui dépense plutôt qu'une unité qui rapporte. On aura tendance à garder le Contentieux parce qu'il protège l'entreprise contre des dépenses importantes, procès, poursuites, pénalités. On ne peut pas calculer en dollars et en cents la valeur d'une communication en français.
Johanne Leclerc : En vue d'obtenir l'uniformité, il arrive que le cabinet recrute ses traducteurs auprès de l'entreprise dont il se voit confier les travaux lorsque les services linguistiques sont contraints de fermer boutique. Il bénéficie alors des connaissances acquises à l'interne.
Quant au traducteur, il devra nécessairement travailler en accéléré pour ramener le coût au mot en-deçà du tarif d'agence qui avait, à l'origine, motivé le recours à l'externe. Même si son nouvel employeur lui accorde la parité salariale, il peut voir ses avantages sociaux réduits. Son temps supplémentaire, qui est facturé au client, ne lui sera pas payé.
Ce n'est certainement pas l'écart des frais généraux qui explique avant tout l'écart des coûts de production dans l'entreprise et en agence. Ce transfert de connaissances, avec accélération des cadences et rémunération au mot proportionnellement moindre, correspond bien à une volonté de réduire le prix du capital humain, soit du principal facteur de production dans notre domaine.
Richard Malo : Il y a peut-être eu inflation dans les services linguistiques. Le client d'agence n'exige pas la consultation terminologique. Il veut une traduction, il paie et il s'en va heureux. Nous avons peut-être créé un faux besoin en proposant toute une gamme de services para-traductionnels qui n'étaient pas perçus comme une nécessité.
V. Julien : Quand l'économie tournait rond, on a diversifié, éléphantisé nos services, sans toujours rester au strict nécessaire. Mais cela ne nous distingue aucunement des autres fonctions.
Au grand bonheur des traducteurs, on leur demandait donc de justifier leur existence. « Vous faites de la traduction, mais quoi d'autre ? » Révision, lecture d'épreuves, recherche terminologique, formation et perfectionnement linguistique, dans certains cas. Liaison entre l'entreprise et le législateur en ce qui a trait à la Charte de la langue française. Liaison avec les agences. Aide à la rédaction, au bénéfice d'une minorité. Rédaction. Le traducteur intervenait parfois comme peseur de mots auprès du Contentieux, quand il s'agissait de textes importants. Et le traducteur s'affirmait comme faiseur d'image, parce qu'il projetait l'image de marque de la société en assurant la haute qualité de ses communications en français. Rien de cela n'est faux. Mais les compagnies ne sont pas nécessairement d'accord avec cet élargissement des attributions quand vient le moment d'en payer la note. Jocelyn Paquet en témoigne, non sans humour, dans le numéro 62.
Hiver 1998-1999, n° 62
La rationalisation en base dix
Par Jocelyn Paquet, trad. a.
Je n'ai pas gardé de l'aventure un goût amer. Ou peut-être si, un peu, finalement… Quoi qu'il en soit, j'en ai tiré des leçons de réalisme qui, au fil des mois, se sont transformées en convictions. Des convictions que les agissements des entreprises qui ont depuis imité mon ex-employeur n'ont servi qu'à raffermir. Je vous présente donc ci-dessous la liste des dix grandes règles de la rationalisation des entreprises, inspirée à parts égales par David Letterman et un certain Murphy…
10. Plus le vice-président qui vous assure que vous n'avez rien à craindre est convaincant, plus vous avez des raisons de vous inquiéter.
9. Sera inévitablement épargné le service le moins efficace et comptant le plus d'employés aux fonctions obscures.
8. Corollaire : le service le plus aminci et le plus efficient passera impitoyablement au broyeur.
7. Toutes les rumeurs qui circulent sont fausses. La réalité sera bien pire.
6. Le programme de primes de cessation d'emploi sera aboli la veille de votre licenciement.
5. Le plan de sauvetage du service que vous présenterez à la direction brillera autant par son ingéniosité que par l'éclat du refus qu'il essuiera.
4. Vous pouvez soit collaborer avec votre supérieur immédiat, soit lui mener la guerre. Peu importe : ce n'est pas de lui que relève la décision. C'est lui, par contre, qui vous remerciera.
3. Le risque de licenciement est directement proportionnel au caractère indispensable en apparence de vos fonctions. Ainsi, les services de traduction licencient des traducteurs, les contentieux, des avocats et les compagnies aériennes, des pilotes.
2. Devant la perspective d'un licenciement, vous pouvez soit en faire le moins possible et montrer le plus parfait je-m'en-foutisme, soit travailler sans compter les heures et manifester un engagement de tous les instants. Vous serez licencié de toute manière.
1. Vous vous souciez infiniment plus du sort du service et de l'entreprise que le chef de la direction ou le P.D.G. Poussé jusque dans ses derniers retranchements, celui-ci sacrifiera l'entreprise avant sa nouvelle automobile de luxe.
Voilà. Allez, licencié(e), en paix.
Le pendant de l'impartition est, nous l'avons vu plus haut, la multiplication des cabinets de traduction, mais aussi et surtout des micro-entreprises, qui fera de notre profession ce que l'on appellera plus tard une « cottage industry ».
Hiver 2005, n° 86
L’autonomie : l’apanage de la maturité ?
Par Lise Parent
Avant d’accéder au statut d’indépendant, il vaut mieux avoir fait ses classes en entreprise. Ce n’est qu’ainsi que le traducteur acquerra l’expérience et la maturité qui lui permettront de donner un service impeccable à ses clients.
À quoi ressemble la vie après le salariat ? D’abord, le traducteur indépendant doit trouver lui-même du travail. Il doit donc repérer des clients éventuels, faire auprès d’eux du démarchage en projetant une image professionnelle, négocier des contrats, les exécuter, facturer ses honoraires, tenir sa comptabilité, garder ses outils de travail à niveau, voir à affiner ses compétences, entretenir ses relations et planifier en pensant à l’avenir, notamment ses projets connexes, ses vacances, sa retraite et les éventuels maladies ou accidents. Mais, essentiellement, tout commence et s’achève par la « culture » du client et se joue sur le plan de la qualité des compétences.
Bonne nouvelle cependant : le véritable autonome est aussi indépendant à l’amont qu’à l’aval. S’il n’a pas de patron autre que lui-même, il n’a pas non plus d’employé à alimenter. Il peut vivre avec trois ou quatre clients d’importance réguliers. Les dénicher, toutefois, et les conserver sont ses plus grands défis.
Mais tout n’est pas rose au royaume de l’autonomie. Dans les années 1990 et 2000, les progrès technologiques et la mondialisation engendre une croissance exponentielle de la demande de services de traduction. Et si cette croissance fait le bonheur des cabinets de traduction sérieux et des professionnels qu’ils emploient, elle suscite également des vocations chez certains entrepreneurs totalement étrangers à la chose, qui ne cherchent qu’à exploiter le filon.
Hiver 2010, n° 106
Les conditions d’exercice de la traduction
État des lieux au Canada
Par Claude Van Marsenille, trad. a.
L’explosion de la demande et la multiplication des intermédiaires, fruits de la mondialisation et d’un mouvement d’externalisation généralisé, ont profondément modifié les conditions d’exercice de la traduction.
Au Canada, la traduction en entreprise, si elle ne semble pas vouée à disparaître, occupe une place qui ne cesse de décroître. L’information fournie ici provient en bonne partie du rapport préliminaire de recherche intitulé La qualité des emplois indépendants : le cas des traducteurs, compilé par Martine D’Amours, professeure-chercheure au Département des relations industrielles de l’Université Laval, à partir d’entrevues réalisées en 2007 auprès de 21 informateurs-clés de notre profession.
Au Canada, le métier de traducteur a connu son véritable essor avec la promulgation de la Loi sur les langues officielles au fédéral en 1969, puis de la Charte de la langue française au Québec en 1977. Dans les années 1970 et 1980, les gouvernements et les entreprises ont créé de nombreux services de traduction employant surtout des salariés. Les années 1990 ont cependant été marquées par un fort mouvement d’impartition, favorisé notamment par la popularité de ce concept chez les gestionnaires d’entreprise et la transformation du Bureau de la traduction en OSS (organisme de service spécial) en 1995. Bien des entreprises ont choisi de ne conserver qu’un squelette de service de traduction et de confier un volume de travail important à l’externe. L’industrie canadienne de la traduction est aujourd’hui surtout constituée de cabinets et de traducteurs indépendants ; 40 % des traducteurs exerceraient à titre indépendant au pays, la majorité d’entre eux depuis les années 1990. Ils travaillent soit directement pour les clients ultimes, soit indirectement pour ces clients par l’intermédiaire de cabinets ou de services linguistiques.
L’évolution du marché, une occasion à saisir
propos recueillis par Sébastien Stavrinidis, trad. a.
Yves Desjardins diplômé en traduction spécialisée de l’Université de Montréal, a fondé le cabinet Traducta en 1978. Établie à Saint-Basile-le-Grand, sur la Rive-Sud de Montréal, l’entreprise compte actuellement une quinzaine d’employés et s’appuie sur les services de nombreux pigistes à l’international. M. Desjardins a répondu aux questions de Circuit sur son expérience des conditions d’exploitation actuelles.
Yves Desjardins : Malheureusement, oui, dans une certaine mesure… depuis le milieu de 2009. Plusieurs de nos principaux clients ont en effet ralenti le rythme de leurs demandes de traduction, dans une proportion atteignant parfois 30 %. Par contre, le volume des demandes de certains autres clients a augmenté. Mais par rapport à la même période l’an dernier, nous sommes quand même en déficit au chapitre du chiffre d’affaires. Toutefois, je suis plutôt optimiste. Je vois bien que notre société n’est pas la seule à subir la récession et que d’autres entreprises sont encore plus mal en point que nous. Nous nous retroussons les manches pour accroître notre productivité (et nos employés répondent très bien à l’appel), nous exerçons un contrôle plus serré de nos coûts, et cherchons à développer de nouveaux marchés (notamment par l’embauche d’un responsable des ventes).
Y. D. : Comme bien d’autres entreprises de notre industrie, nous utilisons de plus en plus les mémoires de traduction, mais pas de façon systématique. Je vois bien que les mémoires, très utiles par ailleurs, sont loin d’être parfaites et peuvent parfois nous jouer de mauvais tours. Rien ne remplace un bon traducteur ! Si nous mettons à sa disposition les bons outils de recherche terminologique et bitexte, ainsi que des archives de bonne qualité, un bon traducteur peut faire de l’excellent travail et demeurer très rentable. Je connais des entreprises de traduction qui font une utilisation systématique des mémoires de traduction, avec un minimum de contrôle de qualité, et cela donne bien souvent des horreurs. Nous l’avons constaté à quelques reprises, ayant dû réviser des textes qui avaient été soumis à des mémoires de traduction. Je suis peut-être de la vieille école… mais je vis bien avec ma position !
Dans un autre ordre d’idées, nous avons adopté un concept d’équipes « spécialisées », soit des équipes responsables de seulement un ou deux clients. En plus de favoriser un sentiment de confiance chez le client, ce mode de gestion permet d’accélérer l’exécution des travaux. Les traducteurs deviennent de plus en plus habitués à la terminologie et aux notions utilisées par le client, et requièrent par conséquent de moins en moins de révision. Grâce à ce concept, nous faisons d’une pierre deux coups : un meilleur service à la clientèle et une rentabilité assurée !
Y. D. : Selon moi, les prétendues entreprises de traduction (pas toujours professionnelles et coupant bien souvent les tarifs à la hache), qui continuent de pousser comme des champignons, constituent un des éléments qui font le plus grand tort aux cabinets professionnels. En plus de nous enlever des parts de marché, ces entreprises font baisser les prix à un point tel qu’il nous est difficile de leur faire concurrence de manière rentable dans certains marchés. En jumelant cette tare au fait que bon nombre d’entreprises font de plus en plus attention à leurs dépenses, on se rend compte que le marché ouvert aux cabinets de traduction professionnels dignes de ce nom risque de fondre. D’où l’importance urgente, pour les bons cabinets, de rationaliser leurs activités et de trouver des moyens de continuer d’offrir des services de qualité, à meilleur prix. Cela peut être fait, mais il faut faire preuve d’un esprit novateur et mettre tout l’accent sur le service à la clientèle et sur la recherche de bons traducteurs, à la fois performants, fiables et dévoués.