Les jeunes des derniers siècles ont bénéficié d’un avantage certain sur ceux des générations qui les ont précédés. Ils ont en effet eu la chance d’explorer de nombreuses cultures et civilisations autres que la leur grâce à la traduction croissante d’œuvres et de productions étrangères qu’ils ont pu lire, écouter ou voir.
De nos jours, nous pouvons toutes et tous nous définir comme des « jeunes de la traduction ». Ainsi, notre esprit a été façonné par des récits anciens et nouveaux qui nous dévoilaient des héroïnes et des héros réels ou imaginaires aux aventures exaltantes, effrayantes ou rocambolesques vivant dans des contrées éloignées dans le temps et l’espace.
La diversité des lieux créait en nous un dépaysement provisoire, la truculence des personnages nous donnait envie de les connaître davantage, et le déroulement de l’intrigue faisait grandir notre intérêt pour l’histoire qui nous était racontée. Combien de lieux jusqu’alors inconnus mais qui nous étaient soudain révélés par la lecture, par l’écoute de la radio ou encore par le visionnement de films ou de séries télévisées avons-nous voulu visiter au cours de notre jeunesse?
Sans nous en rendre compte, nous apprenions la grandeur et la splendeur du monde. Nos connaissances s’approfondissaient, notre raisonnement critique se précisait, notre vision de l’univers s’élargissait et notre curiosité se développait. Nous devenions de petites citoyennes et de petits citoyens de la planète Terre.
En effet, être conscients de la différence culturelle et de la disparité terminologique tôt dans notre vie a inévitablement renforcé notre propension naturelle à accepter l’altérité. Bien entendu, le milieu familial et social dans lequel nous étions élevés et éduqués a quand même eu un impact puissant, voire prévalant, sur notre perception de l’Autre. Mais les deux circonstances réunies en harmonie nous octroyaient un privilège jusqu’alors réservé à une élite qui avait les moyens de voyager : l’accès au vécu humain dans toute sa richesse et sa diversité.
La traduction nous a donc offert et nous offre toujours l’occasion de connaître le point de vue et l’expérience de l’Autre. Il s’agit non seulement d’un privilège appréciable, mais aussi d’un avantage réel que nous ne pouvons pas passer sous silence. À l’heure actuelle, grâce à la traduction, tous les jeunes développent leurs compétences sociales et culturelles, accroissent la flexibilité de leur pensée et améliorent leurs chances de devenir des dirigeantes et des dirigeants sensibles aux besoins de chaque personne avec qui elles ou ils travailleront.
Dans un contexte socioéconomique internationalisé et de plus en plus intégré, nous sommes souvent jugés selon les connaissances extranationales que nous possédons et pouvons démontrer. Ainsi, discuter intelligemment d’une autrice étrangère reconnue parce que nous avons lu ses ouvrages, décrire et expliquer les particularités d’une culture distincte de la nôtre car nous avons écouté des émissions radiophoniques produites à l’étranger, et manœuvrer efficacement dans un milieu interculturel, transculturel ou multiculturel parce que nous avons acquis un savoir passif imposant au cours de notre vie nous octroie un avantage professionnel concret sur notre concurrence.
Or, cette connaissance formatrice et ce privilège ne sont pas le produit d’une chance inouïe dont bénéficie la civilisation moderne, ils sont le fruit de la traduction, profession millénaire dont le véritable pouvoir de démocratisation du savoir donne manifestement des résultats.
Pour ce faire, des millions de langagières et de langagiers de par le monde exercent avec une compétence exceptionnelle la traduction, la terminologie, l’interprétation ainsi que la révision et la postédition dans le but de nous faire connaître l’originalité fondamentale, les innovations spectaculaires et les rêves les plus fous des allochtones de partout sur Terre avec justesse et révérence.
La traduction jeunesse est importante pour les langagières et les langagiers ainsi que pour les membres de l’OTTIAQ. C’est la raison pour laquelle, au printemps 2009, Circuit avait publié un numéro intitulé « Traduire pour les enfants ». Dans ce numéro1 que j’ai eu l’honneur de copiloter avec Solange Lapierre, nous traitions de sujets tels que la passion de la traduction pour enfants, les difficultés auxquelles on est confronté dans l’exercice de cette spécialité traductionnelle, la résistance à la traduction dans l’édition jeunesse québécoise ou encore les défis de l’adaptation pour le cinéma et la télévision. D’ailleurs, nous pouvons noter que tous ces sujets restent d’actualité et sont complémentaires aux excellents articles que le présent numéro vous propose.
En effet, comme vous pourrez le constater, Isabelle Veilleux, traductrice agréée, et Caroline Coicou Mangerel, collaboratrice assidue de Circuit, nous font découvrir d’autres facettes peu connues de la traduction pour les jeunes, telles la traduction théâtrale, la traduction non verbale et la traduction de la littérature d’horreur! Bonne lecture…