Imprimer
Partage :

Le circuit d’un magazine professionnel

Par Philippe Caignon, terminologue agréé et traducteur agréé

L’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréées du Québec (OTTIAQ) compte environ 2800 membres et fait partie des 46 ordres professionnels de la province réglementant l’exercice de plus de 422 000 membres.  Selon l’Office des professions du Québec,  « [l]a mission principale d’un ordre est de protéger le public, soit toutes les personnes qui utilisent des services professionnels dans les différentes sphères d’activités réglementées1. »

L’une des responsabilités qui incombent aux ordres consiste à « favoriser le développement de la profession1 ». Dans le cas de l’OTTIAQ, nous parlons bien sûr de trois professions langagières, la traduction, l’interprétation et la terminologie. Notre magazine entre par conséquent dans les plans de communication stratégiques tripartites relevant de cette responsabilité. 

Autre époque, autres intérêts?

Le premier numéro de Circuit paraît en 1983. De fait, on peut dire que le magazine est le produit phare de la Société des traducteurs du Québec (STQ). Le comité de rédaction de l’époque est constitué d’exploratrices et d’explorateurs audacieux, Pierre Marchand, Johanne Dufour, Josée Ouellet Simard, Nada Kerpan, Paul Horguelin et Robert Dubuc. On reconnaît en outre dans cette liste le nom de grands personnages de la traduction et de la terminologie au Québec, au Canada et dans le monde. Robert Dubuc, par exemple, est toujours mentionné avec révérence dans les cercles terminologiques nationaux et internationaux. 

Bien entendu, les sujets abordés reflètent l’actualité langagière et les intérêts professionnels d’alors. Ainsi, la technologie, le bien-être au travail et la qualité de la langue sont au centre des préoccupations. Il s’agit d’un constat fascinant lorsqu’on sait que de nos jours ces sujets restent au premier rang des tracas occupationnels de l’industrie. On se rend compte ainsi que plus le monde évolue, plus il reste fondamentalement le même.

Autre institution, autres devoirs!

En 1992, la STQ laisse place à la Corporation professionnelle des traducteurs et interprètes agréés du Québec (CPTIAQ). La même année, Michel Buttiens prend les commandes de Circuit. Un premier changement de garde, événement délicat, qui a donné de bons fruits grâce à la solide équipe appuyant le directeur du magazine. En effet, on doit à Michel Buttiens et à son comité la parution d’excellents numéros. notamment sur l’orthographe (1993), sur les langues autochtones (1993) ainsi que sur la langue et la culture anglo-québécoises (1994), thèmes avant-gardistes au début de la décennie 1990 et toujours pertinents. 

Comme le souligne Bruce Knowlden, président de l’Ordre des traducteurs et interprètes agrées du Québec (OTIAQ) de 1996 à 1999, dans l’article qu’il a rédigé pour le présent numéro, la mission du magazine s’adapte rapidement à celle de l’Ordre. Ainsi, Circuit présente désormais une information visant une communauté professionnelle reconnue officiellement par l’État québécois et donne un aperçu de ce qui se profile à l’horizon du millénaire. La ligne éditoriale s’ajuste à cette nouvelle réalité. De fait, les articles revendiquent une volonté de reconnaissance professionnelle accrue de la communauté langagière en plus de fournir des renseignements essentiels sur les règlements, l’enseignement et l’éthique aux membres de l’Ordre, par exemple.

En 1998, Betty Cohen succède à Michel Buttiens et garde le cap avec succès. Après deux courtes années, elle a le privilège de voir l’OTIAQ grandir pour devenir l’OTTIAQ grâce à la reconnaissance de la terminologie comme profession clé pour la société québécoise par l’État provincial. 

De fait, la directrice et le comité de rédaction désirent équilibrer le plus possible la représentation des trois professions et cherchent à donner une information pertinente au lectorat élargi. C'est une réussite… Une trop grande réussite… En fait, cette réussite est trop parfaite, car le professionnalisme et la compétence exemplaires de Betty Cohen font rayonner davantage sa réputation au point où elle est appelée à prendre les rênes de la Fédération internationale des traducteurs (FIT) en 2002.

En héro langagier intrépide, Michel Buttiens revient alors à la direction de Circuit en 2003 où il continue à exceller. Ainsi, sous sa direction, le magazine entreprend une tournée traductionnelle complète des régions canadiennes et l’indexation informatique des cent premiers numéros. Michel Buttiens laisse finalement son siège à Yolande Amzallag en automne 2008 pour trouver un peu de répit, à défaut de repos. 

Comme on s’y attend, Yolande Amzallag se révèle une directrice impressionnante. Elle sait motiver le comité et l’encourage à trouver des thèmes porteurs tels que la tarification (2009) et novateurs comme traduire l’environnement (2010). La profonde humilité et l’inépuisable humanité de cette traductrice marque le comité qui affiche naturellement un sourire heureux en sa présence ou à la seule mention de son nom.

Autre plateforme, autres lectorats…

Au printemps 2011, Betty Cohen reprend la barre de Circuit. Ce nouveau mandat lui donne l’occasion de relever des défis différents et de continuer à offrir aux lectrices et aux lecteurs du magazine une information à la fois utile et divertissante. Les vœux de Betty Cohen sont exaucés lorsque pour les 30 ans du magazine, en 2013, Circuit lance son premier numéro en ligne. Il s’agit d’une transformation profonde qui a nécessité un courage sans faille, car selon l’enquête mené pour l’OTTIAQ, le lectorat est on ne peut plus partagé : 50 % pour la version papier et 50 % pour la version en ligne… Betty fait le saut. C’est un véritable succès! À présent, le magazine est lu dans le monde entier par les professionnel.les, étudiant.es, enseignant.es, chercheur.es et personnes de tous horizons intéressées par la traduction, l’interprétation et la terminologie.

Un an plus tard, Betty m’invite dans un restaurant situé près des locaux de l’Ordre. Je suis alors membre du comité de rédaction depuis un peu plus de sept ans et responsable de la chronique terminologique Des mots. Au cours de notre repas, nous abordons naturellement le sujet de Circuit. Après quelques minutes merveilleuses – car Betty et moi aimons particulièrement parler de Circuit, du magazine en tant que tel certes, mais aussi des membres incroyablement généreux du comité de rédaction ainsi que du lectorat fidèle et attentif qui le suit depuis des décennies – Betty me fait une proposition à laquelle je ne peux dire non : la remplacer à la direction du magazine. Bien entendu, j’accepte avec honneur et humilité, mais non sans ressentir une appréhension légitime.

Depuis, j’ai l’insigne privilège de travailler avec une équipe prodigieuse, compétente, intelligente, altruiste et visionnaire. Cette équipe exceptionnelle comprend les membres du comité de rédaction, les collaboratrices et collaborateurs du magazine, les membres de la permanence et de la direction de l’OTTIAQ ainsi que le lectorat de Circuit. Je suis absolument fier de chaque personne qui a contribué de près ou de loin à notre magazine… Et je vous tire mon chapeau!


Partage :