Les outils de communication et d’entreposage de données utilisés par l’industrie langagière visent à faciliter le travail de tous les professionnels, à augmenter leur productivité et à les rendre concurrentiels. Or, ils comportent des points faibles, notamment en ce qui concerne la confidentialité et la sécurité des renseignements qu’ils traitent, qu’une pléthore de logiciels malveillants tente d’exploiter en tout temps.
L’origine de ces programmes malveillants ne date pas d’hier. En fait, elle émerge involontairement de la pensée de John von Neumann, qui décrit un automate autoreproducteur dès 19491. Les travaux de von Neumann seront plus tard utilisés par Robert Thomas Morris, Douglas McIlroy et Victor Vysottsky pour mettre au point le jeu CoreWar en 1959. « Dans ce jeu, des programmes se battent entre eux, essayant d’occuper autant de mémoire que possible et de supprimer les autres programmes2. » L’ombre du prédateur se dessine déjà...
Le premier virus informatique est finalement créé en 1971 par Robert Thomas Morris, qui travaille sur le réseau Arpanet – ancêtre d’Internet. Il est nommé Creeper. Bien sûr, pour supprimer son programme, Morris doit inventer le premier « antivirus », qu’il appelle Reaper. La guerre des logiciels est alors officieusement déclenchée. En effet, dès l’avènement des ordinateurs personnels et d’Internet, des programmeurs mal intentionnés ont entrepris de modifier le virus pour produire des instruments informatiques parasitaires puissants générant le chaos dans la Toile.
Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que les pirates informatiques et autres cybercriminels se rendent compte qu’ils pouvaient engranger de jolis profits à l’aide de leurs créations. Grâce aux avancées technologiques, ces créatures virtuelles se sont perfectionnées, diversifiées et spécialisées pour se transformer en vers, en chevaux de Troie et en réseaux de bots. En croissance continue, le bestiaire des logiciels malveillants comprend à présent les logiciels espions ainsi que les logiciels publicitaires qui s’installent dans un ordinateur, une tablette ou un téléphone cellulaire et enregistrent à son insu les activités ainsi que les allées et venues de l’utilisateur.
De nos jours, certains géants de la Toile, comme Alibaba et Google, emploient les données personnelles de leurs utilisateurs à des fins commerciales. Ces données servent en effet à cibler les messages publicitaires qui intéresseront le plus leurs clients afin que ceux-ci cliquent sur les images ou liens hypertextes proposés et génèrent des revenus pour ces entreprises. D’autres, comme Amazon ou HSBC, vendent des produits ou des services à une clientèle mondiale. De fait, elles doivent demander et conserver dans leurs serveurs les renseignements financiers de leurs clients pour effectuer les transactions dont elles tirent profit. Par ailleurs, les États compilent les renseignements confidentiels de leurs citoyens et immigrants ainsi que des visiteurs qui entrent dans leur territoire afin de faciliter la gestion des personnes et des ressources au quotidien.
Il va de soi que cette information a une valeur inestimable pour toute personne aux intentions peu louables : vol de biens ou d’identité, manipulation des masses à des fins politiques, espionnage industriel et chantage sont des activités potentiellement très lucratives. Les entreprises comme les États ont par conséquent le devoir de protéger leurs clients et leurs administrés.
Les entreprises langagières sont particulièrement visées, car elles sont au centre de la communication interliguistique et interculturelle mondiale. Leur clientèle est formée d’États, de compagnies et de particuliers qui désirent transmettre de l’information, confidentielle ou non, à des États, à des organismes ou à des personnes tierces. Ainsi, utiliser leurs serveurs ou intercepter leurs communications pour obtenir des renseignements confidentiels, voire secrets, peut rapporter gros aux cybercriminels.
Les cabinets de traduction, les services linguistiques des grandes compagnies et les langagiers indépendants sont de plus en plus conscients des exigences de sécurité et de confidentialité liées à l’exercice de leur profession. En effet, personne ne veut être le maillon faible de la chaîne communicationnelle. Il y va de la pérennité d’une industrie qui génère des milliards de dollars dans l’économie mondiale et dont les perspectives de croissance sont excellentes. En conséquence, les langagiers se prennent en main et se donnent des outils aux performances croissantes pour gérer les données qui leurs sont confiées.
C’est dans le cadre de cette conscientisation internationale et dans un esprit d’entraide professionnelle que Maria Ortiz Takacs et Alicia Vico Ramirez ont monté un dossier sur la sécurité et la confidentialité. Elles ont demandé à des spécialistes du Québec, du Canada et d’ailleurs dans le monde d’expliquer les enjeux actuels de cybersécurité, de décrire les problèmes auxquels font face les langagiers et de présenter des moyens pour augmenter la confidentialité et la sécurité des renseignements qui leurs sont fournis.