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La censure

Par Philippe Caignon, terminologue agréé, traducteur agréé

Il est de ces sujets, comme la corruption et la lutte au déficit, qui reviennent de façon régulière à la une des journaux ou des magazines d’actualité. Il appert que la censure fait partie de ce groupe « privilégié ». On en discute en effet lorsque les chercheurs travaillant pour l’État fédéral canadien manifestent contre les politiques de censure imposées par le gouvernement, ou encore, lorsque les étudiants des universités et collèges états-uniens s’unissent pour que soient éliminés de la matière enseignée les mots, les idées et les sujets qui les dérangent ou les offensent.

Bien entendu, la censure existe depuis que l’être humain est un être humain. Comme le disait si bien Jean de la Fontaine dans sa fable Le Loup et l’agneau : « La raison du plus fort est toujours la meilleure […] ». L’autorité étatique ou religieuse, la norme sociale, le dictat de la majorité « bien-pensante » ont sans cesse cherché à protéger leur statut et leurs croyances en condamnant l’expression de la dissidence, en faisant obstacle à la diffusion d’une idée ou en exerçant une répression tous azimuts. Nicolas Copernic et Galileo Galilée pourraient d’ailleurs en témoigner de façon éloquente.

Au cours de l’histoire, certaines personnes ont quand même cherché à se débarrasser de la censure. La Déclaration des droits de l’homme rédigée à la Révolution française, par exemple, supprimait la censure. Toutefois, l’intérêt général finit par avoir raison de cette abolition et les documents jugés tendancieux furent proscrits.

De nos jours, de nombreuses multinationales et autres entreprises cherchant à protéger leur image peuvent intenter des poursuites contre toute personne critiquant leurs produits, leurs services, la manière dont elles gèrent leur personnel et s’occupent de leur clientèle ou encore exploitent, voire abusent, une population locale.

Qui plus est, certaines clauses contractuelles peuvent légitimer une forme de censure. Il faut par conséquent faire attention aux ententes qu’on signe, surtout dans l’Internet, car on pourrait avoir abdiqué son droit de critiquer ouvertement l’entreprise avec laquelle on fait affaire.

La censure a quand même ses bons côtés : elle empêche la divulgation de renseignements personnels ainsi que la diffusion d’un contenu invitant à la violence ou à la discrimination; elle protège la société, surtout les jeunes, contre la distribution de la pornographie juvénile; et elle prévient la diffamation, entre autres choses. De fait, la censure est utile lorsqu’elle est exercée avec intelligence et qu’elle s’harmonise avec la liberté d’expression en plus du droit à l’information.

C’est dans ce contexte général que le présent numéro de votre magazine Circuit se situe, car lorsqu’on est une langagière ou un langagier, les éléments épineux que nous venons de citer sont doublés. En effet, que se passe-t-il lorsqu’un choix lexicologique ou terminologique dans une langue source ne fonctionne pas dans une langue cible? Que se passe-t-il quand une idée, une notion, est taboue dans une culture, interdite dans un État ou inacceptable dans une société?

Plusieurs de nos collègues se sont penchées sur ces questions. De fait, s’appuyant sur leur expérience et sur leurs connaissances, elles – car il s’agit majoritairement de femmes – ont proposé leurs solutions, présenté leur réflexion et divulgué leurs découvertes.

 

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BATTISTI, Michèle (2013) « Censurer la censure ? » in Paralipomène – écrits sur le droit et l’information [en ligne], page mise à jour le 21 septembre 2013 et consultée le 1er décembre 2015.

LUKIANOFF, Greg et Jonathan HAIDT (2015) « The Coddling of the American Mind » in The Atlantic [en ligne], page consultée le 30 novembre 2015.

RADIO-CANADA (2014) « Des chercheurs dénoncent les politiques du gouvernement Harper » [en ligne], page mise à jour le 22 octobre 2014 et consultée le 29 novembre 2015.


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