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Réfléchir avec justesse pour s’exprimer avec sagesse

Philippe Caignon, term. a., trad. a.

Les hauts et les bas de l’économie nationale donnent le vertige à moult industriels du Québec et du reste du Canada. Bien entendu, la prudence budgétaire dont font preuve les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral influe sur le moral de la fonction publique, de nombreux étudiants, des consommateurs et de certains entrepreneurs.

À l’heure actuelle, on se dispute sur la place publique pour étiqueter la manière dont le gouvernement du Québec gère les finances de l’État. Les contestataires qualifient les actions gouvernementales de politique d’austérité, ce à quoi s’oppose le premier ministre, Philippe Couillard, qui préfère parler de plan de compressions. Bien entendu, l’appellation austérité véhicule une connotation péjorative évidente, alors qu’il n’en va pas de même pour compression.

Suivant ces constatations, nous sommes en droit de nous poser une première question : ne serait-il pas préférable d’employer des termes ou des locutions comportant une connotation méliorative et de parler « d’assainissement de la gestion de l’État et des finances publiques » ou de « mesures prises pour stimuler la relance de l’économie » au lieu d’utiliser un terme assez neutre comme compression? De prime abord, la réponse est oui.

Par conséquent, nous devons nous poser une nouvelle question : pour quelle raison le premier ministre choisit-il un terme neutre? Pour une raison assez simple : la crédibilité. En effet, une population au point de vue arrêté aura tendance à se cabrer si son chef d’État prône le contraire. En conséquence, ce dirigeant adoptera un vocabulaire neutre, dont la nature descriptive ne peut être qualifiée de biaisée.

En suivant les discussions dans les forums et les lettres ouvertes des journaux, des blogues et des sites Web spécialisés, on s’aperçoit que les gens semblent accepter plus facilement de subir des compressions que d’endurer l’austérité. Il faut dire que les concepts d’austérité et de politique donnent l’impression de se prolonger dans le temps, alors que compression et plan semblent, en général, temporaires.

Les conseillers linguistiques connaissent les nuances sémantiques des expressions et des termes utilisés en politique économique. Ils savent aussi quelles connotations leur sont associées ainsi que l’acceptabilité sociale et contextuelle de chacun d’entre eux. Il s’agit de spécialistes de la langue dont l’importance sociétale n’est pas négligeable. Les langagiers ont en effet un rôle conseil, de nature professionnelle, à jouer dans l’analyse et le décryptage des discours politiques. Ils ont également la responsabilité de faire connaître leur opinion éclairée par leurs connaissances, leur réflexion et leur expérience.

C’est dans ce contexte économique ambivalent que les langagiers exercent leur profession, une profession tributaire des aléas cycliques des marchés et des budgets. Dans ce numéro, ils s’expriment. Pierre Cloutier leur a donné comme mission de faire état de leurs conditions de travail et de la productivité qui leur est demandée. Comme vous allez vous en rendre compte à la lecture du numéro, ils ont beaucoup à dire…


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