Le mandat de protection du public ne s'arrête pas aux individus. Les traducteurs, terminologues et interprètes agréés ont également une responsabilité envers la société. Rappel.
Dès la première heure de sa formation en déontologie, tout candidat à l’un des titres décernés par l'OTTIAQ sait que son mandat principal est la protection du public. Celle-ci est composée d'un certain nombre d'éléments qui relèvent en grande partie de la responsabilité professionnelle du langagier envers ses clients, mais ne s'arrête pas à cette seule considération.
Le mandat de protection du public, pour les traducteurs, terminologues et interprètes, porte le plus souvent sur les préjudices pouvant découler d'une mauvaise traduction. Ces préjudices peuvent être de nature financière ou morale, comme dans le cas d'une publicité ou d'une image de marque mal traduites ou culturellement mal adaptées. Ils peuvent aussi consister en des poursuites judiciaires pour une entreprise ou un danger pour la santé ou la vie des membres du public si, par exemple, des instructions médicales, des ingrédients ou des directives sont mal traduites ou interprétées.
Les traducteurs agréés ont ainsi pour mission de faire usage de leur compétence professionnelle pour éviter les risques inhérents à une pratique malhabile, ignorante ou sans contrôle de qualité. Cette compétence se déploie sur un très large éventail, qui va d'un choix terminologique judicieux à l'évaluation de nuances délicates d'un contexte culturel donné.
Or, la protection exercée par les membres de l'OTTIAQ ne doit pas s'arrêter aux individus, ni au domaine privé.
En mars 2009, l'OTTIAQ a déposé à l'Office des professions du Québec (OPQ) un mémoire portant sur la réserve d'actes professionnels. De nombreux points essentiels y sont soulevés, notamment la nature de l'exercice de la traduction. On y note au sujet des traducteurs qu'en « transposant de façon professionnelle un système de valeurs dans un autre système – transposition interlinguistique, interculturelle et intersémiotique –, ils contribuent à la protection de la société québécoise contre l'acculturation1 ».
Les traducteurs jouent donc un rôle prépondérant en ce qui a trait au bon usage du français et à sa défense contre les anglicismes, bien présents dans le quotidien des Québécois mais aussi dans celui de la plupart des francophones du monde. Dans cette perspective, le mandat de ces langagiers consiste notamment à consacrer et à répandre l’usage de la langue, des mots et des formules. Toutefois, pour Donald Barabé, président de l'OTTIAQ, il ne relève pas de leur responsabilité de créer des néologismes; ils se doivent plutôt d'employer avec circonspection les termes établis entre autres par les terminologues et qui sont déjà entérinés par des institutions comme l'Office québécois de la langue française2.
Contrairement au mandat de protection des citoyens, celui de protection de la société s'exerce sur la place publique. Ainsi l'OTTIAQ doit se prononcer sur les questions d’intérêt social relevant de la traduction. En effet, dans son guide pour le grand public intitulé À quoi sert la traduction?, l'OTTIAQ explique brièvement l'utilité de notre profession pour l'ensemble de la société. Le dernier point du guide est ainsi libellé :
« Et, dans le contexte québécois, à participer à l’application des lois linguistiques.
C’est très souvent par le truchement de la traduction que s’appliquent la Loi sur les langues officielles et la Charte de la langue française3. »
Il est important de souligner que la traduction au Québec, prise dans le contexte canadien, n'est pas un luxe ou un caprice destiné à asseoir l'identité francophone pour un public qui parlerait aussi bien anglais que français, comme le croient certains. La population canadienne étant en réalité peu bilingue4, la traduction exige un traitement des plus sérieux. Pour les professionnels, il s'agit bel et bien d'une responsabilité. Et celle-ci ne s'arrête pas aux membres individuels du public, mais s'étend à la société entière.