Biiig Mac, McDLT, un quart de livre avec fromage, filet de poisson, un hamburger, un cheeseburger, un McPoulet, des McCroquettes, des frites dorées en deux formats, salade du chef, ou du jardin, ou de poulet à l’orientale voilà sûrement un vrai régal. Et pour dessert : chausson aux pommes, biscuits aux brisures chocolatées, des laits frappés en trois saveurs, un sundae y a rien de meilleur, suivi d’un Coke diet, d’un Sprite, d’un Coke, d’une délicieuse root beer, chocolat chaud, un lait, un thé ou un café en deux formats, omelette, McMuffin au jambon, rôties œufs frits avec bacon, œuf McMuffin, muffin anglais, crêpes et saucisses, danoise aux pommes, servez-moi donc un jus d’orange, de pamplemousse, ou bien de pommes. J’aime McDonald, j’ai le goût, c’est l`heure de savoir mon menu par cœur!
Le menu chanté est probablement un des plus célèbres messages publicitaires adaptés de l’anglais au français au Québec. Un jeune chanteur passe une audition. Sur un rythme de rigodon, il chante le menu des restaurants McDonald’s. Le chanteur récite tout le menu d’un souffle. La chanson fait fureur auprès des jeunes. Celui ou celle qui la chantera sans faire d’erreurs est promu au rang de vedette. Un cas rare en publicité.
L’adaptation est généralement la bête noire des publicitaires. Les concepteurs préfèrent la création originale à l’adaptation d’une idée qui vient d’ailleurs. La qualité du message adapté dépend des intentions de l’annonceur et du budget qu’il veut consacrer à la nouvelle production. En règle générale, le budget est mince et la production, quelconque. Stéréotype connu : une voix ordinaire parle à l’écran. Ce pourrait être celle de votre voisin. En tout cas, ce n’est pas celle d’un comédien ou d’une comédienne, dont la formation consiste à livrer des textes avec clarté. Les mots français ne collent pas du tout au mouvement des lèvres.
L’adaptation publicitaire est une école. Un jour, Pierre Audet, vice-président création chez BCP, m’a dit : « Tu vas t’installer dans un bureau et adapter des textes, sinon tu vas te brûler face aux clients. » Je n’étais pas content. J’aimais bien me présenter en studio pour diriger des séances de voix avec comédiens. Mais Pierre avait raison. Après deux mois dans le métier, je ne savais pas de quoi je parlais. Durant six mois, j’ai appris à me familiariser au format 30 secondes, à rythmer un texte, à le formater et, surtout, à discuter l’adaptation des idées.
Adapter un message publicitaire, c’est aborder la communication dans sa dimension culturelle. Il faut se demander si l’idée originale sera bien comprise par son nouveau public et si les stratégies de communication seront aussi efficaces dans une langue autre que celle de départ. Il faut voir si le texte français véhicule aussi clairement le message que la version originale. Si la réponse est non, il faut élaborer des propositions et les soumettre au client pour approbation. Exemple : l’expérience vécue à bord d’un véhicule automobile est décrite en anglais comme « a journey ». Comment adapte-t-on la notion de journey? Un voyage? Une odyssée? Une aventure? Une expérience?
Dans le contexte actuel, les annonceurs internationaux ont de plus en plus recours à des agences spécialisées en adaptation. Il est ainsi possible de diffuser une même production et de transmettre un même message dans tous les pays visés. Selon Hugo Vandal-Sirois, doctorant à l’Université de Montréal spécialisé en localisation et adaptation publicitaires, « bien des annonceurs d’importance ont cessé de commander des publicités créées sur mesure pour chaque culture visée et préfèrent désormais l’adaptation de leurs messages, pour les économies d’échelle, certes, mais également pour assurer une image de marque planétaire plus forte et plus uniforme1 ».
Cette approche a pour effet de diminuer le nombre de productions locales. L’adaptation publicitaire chez nous prend souvent la forme d’un double tournage, c’est-à-dire d’un tournage où des comédiens anglophones et francophones se succèdent sur un même plateau. Chaque langue dispose des mêmes éléments et des mêmes décors. Seuls les porte-parole changent. L’anglophone est reconnu par son public et le francophone, par le sien. Nous nous reconnaissons dans nos accents, nos mots et nos gens. Fait intéressant, l’industrie publicitaire québécoise a pris naissance sur un refus d’adapter plus avant les publicités venues d’ailleurs, avec la campagne Lui, y connaît ça, de l’agence BCP, pour la brasserie Labatt. C’était en 1966. Le message mettait en vedette le grand humoriste Olivier Guimond. Il s’agit du premier message en français à avoir été conçu par des francophones, pour le public francophone du Québec.
Du point de vue de la communication, un message unique diffusé dans tous les marchés touche moins les cordes sensibles des publics visés. Une Cadillac ATS roulant dans les montagnes italiennes est loin de ma réalité. D’un autre côté, la production d’un seul message est attrayante du point de vue financier et marketing. L’annonceur contrôle tous les paramètres du message à moindre coût. Entre les deux, mon cœur ne balance pas. Il est toujours agréable de voir un jeune chanteur bien de chez nous remporter l’audition.
1 Hugo Vandal-Sirois, L’adaptation publicitaire au Québec : survol de l’industrie et de ses pratiques, avril 2014.
Luc Panneton a travaillé durant 25 ans au sein d’agences de publicité, de relations publiques et de promotion, à titre de concepteur-rédacteur. Il a dirigé des projets de communication sociale en Afrique de l’Ouest. Il enseigne au Certificat en rédaction, à l’Université de Montréal.