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Élargir ses horizons pour accroître sa productivité

Par Julie Rainville, trad. a.

Le site Wikipédia définit la productivité comme suit :

« Dans le cadre d’un processus de transformation, la productivité entend mesurer précisément le degré de contribution d’un ou de plusieurs facteurs (facteurs matériels consommés ou facteurs immatériels mis en œuvre) à la variation du résultat final dégagé par ce processus. La productivité est en lien avec la notion plus élémentaire de rendement et la notion plus générale d’efficacité. »

La réalité, version cabinet-conseil

Pour quiconque travaille comme traducteur au sein d’une société-conseil ou d’un cabinet de services professionnels, la notion de productivité se rattache en effet au rendement et à l’efficacité. Le taux d’utilisation et les heures facturables sont les mesures incontournables du rendement et justifient la présence d’un employé au sein du service sur le plan des activités commerciales.

Chez nous, le traducteur n’est pas évalué au nombre de mots traduits, mais bien au nombre d’heures facturables, qui rendent mieux compte de son apport élargi aux mandats clients.

Outils et efficacité

Depuis l’arrivée des mémoires de traduction, le quotidien des traducteurs s’est transformé. En effet, grâce à ces outils, le traducteur peut accélérer la cadence de travail et accroître sa productivité et son efficacité. Il en tire des avantages non négligeables, notamment les recherches accélérées, la cohérence des textes et la constitution d’un capital intellectuel important. Le côté sombre? Devient-il alors uniquement un traducteur de « segments de texte »? C’est peut-être le cas dans d’autres milieux, mais il ne saurait être confiné à ce rôle dans une société-conseil.

Le rôle du traducteur

Au sein d’un cabinet-conseil, le traducteur est souvent appelé à jouer un rôle élargi. Certes, il doit tout d’abord s’acquitter de son travail de traduction, effectuer les recherches nécessaires et rendre les textes donnés dans un délai imparti. Il doit donc suivre une cadence établie et respecter un seuil de productivité. Le client étant roi, la charge peut être lourde, et les échéanciers, ultraserrés. Les priorités peuvent aussi changer à tout moment, et il faut faire preuve de flexibilité.

Comment, alors, le traducteur peut-il bonifier et enrichir son travail? Pour être rentable, le traducteur en cabinet-conseil se doit d’élargir ses horizons et de ratisser plus large. Son travail s’inscrit, le plus souvent, dans le cadre d’un projet ou d’un mandat client. Il fait partie d’une équipe élargie de communication qui soutient elle-même des spécialistes de la retraite, des avantages sociaux et des placements, entre autres domaines. La collaboration est donc le maître-mot. Il se doit aussi de bien comprendre les rouages de la gestion de projets, qui sont fonction de trois variables : temps, ressources et budget. Chaque élément a une incidence sur le déroulement du projet et sur l’apport de chacun. Le traducteur ne travaille donc pas en vase clos et doit être en mesure de composer avec ces variables.

On a moins de temps? Il doit travailler avec un ou plusieurs collègues et être en mesure de communiquer la terminologie et de favoriser l’harmonisation des textes en cours de traduction afin de respecter l’échéancier de livraison. Le budget est trop serré ou tous les collègues sont déjà affectés à d’autres projets? On pourra travailler en collaboration avec un pigiste tout en coordonnant et en supervisant le tout. Le but visé est toujours de livrer le travail promis en respectant le budget et l’échéancier impartis.

L’autre élément qui enrichit le travail du traducteur et qui le fait sortir de sa bulle est la révision confraternelle, ou révision technique. Pour chaque texte traduit, le traducteur est appelé à collaborer avec un réviseur technique, spécialiste du domaine, qui revoit son texte et le commente. Au besoin, il doit être en mesure de convenir et de négocier les modifications à apporter au texte avec le réviseur technique et être capable de faire valoir son point de vue de linguiste. Il s’agit probablement d’un des volets les plus enrichissants du travail, puisqu’il permet au traducteur d’acquérir des connaissances techniques et spécialisées et de tisser des liens avec les réviseurs techniques, qui s’avèrent des personnes-ressources de premier ordre.

Une fois toutes les étapes franchies, le timbre de révision confraternelle est créé et le travail est livré. Toutes les activités (traduction, révision linguistique et révision technique) visent à assurer une qualité et une prestation aussi irréprochables que possible et à éviter les « erreurs et omissions » susceptibles de coûter très cher à l’entreprise. D’ailleurs, lorsqu’un client décide de faire affaire avec un cabinet professionnel, il paie les honoraires professionnels à l’avenant pour obtenir cette qualité et doit l’obtenir sans faute!

Une réflexion personnelle

Pour pratiquer son métier avec bonheur, le traducteur se doit d’être curieux, allumé et rigoureux.

Le monde dans lequel nous vivons est axé sur la productivité, le rendement et la performance, et cela a une incidence sur les conditions de travail.

Il faut travailler sans cesse plus vite, accroître notre productivité et notre efficacité. Les mémoires de traduction sont des outils précieux, mais pas une solution miracle.

Une autre question se pose : jusqu’où irons-nous en matière de cadence et de productivité? Quand plafonnera-t-on? Quel sera le point de rupture?

Peu importe le client, pour faire un travail de qualité, le traducteur doit avoir accès (dans la mesure du possible) aux bons documents de référence, disposer du temps pour effectuer les recherches qui s’imposent et collaborer avec de bons réviseurs (linguistique et technique) s’il veut remplir son mandat et élargir ses horizons professionnels. Sa satisfaction et son bonheur professionnels en dépendent.

Le traducteur ne doit pas demeurer cantonné dans sa bulle « traduction », mais plutôt s’intéresser aux procédés et aux autres éléments de gestion des projets.

Pour sa part, l’employeur doit être sensibilisé au fait que s’il désire obtenir du travail de qualité ou offrir cette qualité à ses clients et s’en porter garant, il doit donner les coudées franches à ses employés et les laisser bien faire leur travail, sans compromis.

Et l’avenir?

Comment s’annonce l’avenir de la profession?

Selon Common Sense Advisory, une firme indépendante américaine de recherche, à l’échelle mondiale, on compte environ 25 000 organisations offrant des services de traduction dans 152 pays, ce qui génère des revenus de 30 milliards de dollars1. Ces chiffres ont de quoi donner un léger vertige!

Il est aussi indéniable que les mémoires de traduction sont là pour rester et que d’autres logiciels d’aide à la traduction s’ajouteront sans doute à la panoplie d’outils dont disposent les traducteurs. Certains textes se prêteront toujours bien à l’utilisation de ces outils, ce qui permettra d’atteindre des résultats et une rentabilité très intéressants. Il faut donc réussir à en tirer profit intelligemment.

Quant aux traducteurs, pour bien tirer leur épingle du jeu, ils devront manier la langue (dans toute sa géniale beauté), maîtriser un éventail de logiciels, être capables de composer avec les éléments de la gestion de projets et les exigences des clients, tout en visant à sauvegarder cette profession qui nous passionne.

1. Le Devoir, 21 janvier 2013

Julie Rainville est traductrice agréée et responsable de l’équipe de traduction au sein du groupe Communication chez Mercer, une société-conseil d’envergure mondiale en matière de consultation dans les domaines suivants : ressources humaines, santé, retraite et investissements.

Photo---Julie-Rainville---Mercer


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