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Conditions de travail des salariés et des travailleurs autonomes : un comparatif

L’Association des travailleurs autonomes et microentreprises en services linguistiques (ATAMESL) a lancé en 2012 une grande enquête sur les conditions de travail et les tarifs des langagiers pour répondre aux questionnements des langagiers quant à la situation et à l’avenir de leur profession et vérifier, notamment, si les impressions relatives à la baisse des tarifs étaient fondées. Cette enquête a permis de recueillir un grand nombre de données et de comparer, entre autres choses, la situation des salariés et des travailleurs autonomes en ce qui a trait au revenu et aux conditions de travail.

Par François St-Jacques

Portrait sommaire des répondants

Les répondants de l’enquête sont en majorité des femmes (81 %). La plupart résident au Québec (83 %), appartiennent à des groupes d’âge variés (la moyenne d’âge étant de 47 ans), ont comme langue maternelle le français (83 %) et pratiquent la traduction (81 % – les autres sont des rédacteurs ou des réviseurs). Ces langagiers sont en grande partie titulaires d’au moins un diplôme universitaire de premier cycle (75 %) et sont des travailleurs autonomes (79 %), des salariés (17 %) ou des associés dans un cabinet (4 %). Même s’il variait beaucoup, le nombre d’années d’expérience cumulé par les langagiers ayant répondu à l’enquête était, en moyenne, de 14 ans. Enfin, environ la moitié des langagiers (55 %) ont indiqué être membres d’un organisme ou ordre accordant une certification professionnelle.

Revenu

La figure 1 illustre l’évolution du revenu de l’année 2008 à l’année 2012 pour les travailleurs autonomes et les salariés. Elle permet de confirmer que le revenu des travailleurs autonomes a diminué depuis 2009, atteignant un niveau équivalant à celui des salariés en 2010, lequel est demeuré stable depuis. En 2012, le revenu moyen des langagiers était de 39 900 $ pour les travailleurs autonomes et de 42 200 $ pour les salariés.

evolution revenu 2008-2012
Figure 1 : Évolution du revenu de 2008 à 2012

Une analyse plus poussée du revenu des travailleurs autonomes et des salariés a par ailleurs mis en relief les faits suivants :

  • Pour les travailleurs autonomes, les variations de revenu entre 2008 et 2012 ont été plus marquées pour ceux qui se trouvaient dans les extrêmes (revenu très bas ou très élevé).
  • Une majorité des travailleurs autonomes ont en fait un revenu inférieur à la moyenne générale.
  • Le revenu des salariés est plus uniforme, se concentrant autour de la moyenne.

Conditions de travail

En ce qui concerne les avantages sociaux, la situation est fort différente pour les salariés et les travailleurs autonomes. La figure 2 permet de souligner celles‑ci en matière d’assurances, de placements et d’avantages sociaux, les travailleurs autonomes n’ayant pas accès à ceux‑ci dans la même proportion et devant davantage investir de leur poche pour en profiter.

assurance placement avantage
Figure 2 : Assurances, placements et avantages sociaux dont profitent les répondants

En ce qui a trait aux vacances, la moyenne est égale pour les deux groupes, soit 3,5 semaines en 2012. Toutefois, en examinant la figure 3, on remarque des différences. En effet, un plus grand nombre de salariés ont pris trois ou quatre semaines de vacances, mais une plus forte proportion de travailleurs autonomes ont quant à eux pris cinq semaines ou plus. En outre, certains travailleurs autonomes n’ont pas pris de vacances du tout sans que cette situation soit nécessairement liée à l’expérience, puisque des gens pratiquant leur profession depuis 1 an comme 30 ans font partie de ce groupe. Les données recueillies ont enfin permis de constater que les travailleurs autonomes pouvaient généralement s’offrir plus de vacances plus rapidement que les salariés.

vacances 2012
Figure 3 : Vacances prises par les travailleurs autonomes et les salariés en 2012

Selon les résultats de l’enquête, la majorité des travailleurs autonomes (8 sur 10) et des salariés (7 sur 10) sont contents de leur situation actuelle. Pour les salariés, leur emploi est satisfaisant parce que leur salaire est fixe, qu’ils ont une sécurité d’emploi, des avantages sociaux et un bon encadrement. Ils regrettent par contre la perte de temps causée par les déplacements, les possibilités d’avancement limitées et le manque de contrôle sur l’organisme employeur ou les mandats reçus.

Les travailleurs autonomes, quant à eux, se disent heureux parce que leur horaire est souple, qu’ils peuvent concilier le travail et la famille, qu’ils ont un bon revenu, qu’ils contrôlent leurs activités et qu’ils n’ont pas à effectuer trop de déplacements. D’un autre côté, certains d’entre eux soulignent cependant que leur revenu est insuffisant, qu’ils doivent constamment chercher des clients, qu’ils se sentent isolés et qu’ils ressentent de l’insécurité financière et de l’incertitude, ce qui peut générer du stress.

Quelques salariés (2 sur 10) envisagent de devenir des travailleurs autonomes et une petite proportion de travailleurs autonomes (1 sur 10) songent de leur côté à prendre le chemin du salariat. Les membres des deux groupes sont néanmoins en grande partie satisfaits de leur situation. Le tableau 1 présente les raisons qui les poussent au statu quo : il illustre bien les deux côtés de la médaille en montrant comment un avantage pour le travailleur autonome peut être vu comme un inconvénient par le salarié et vice-versa. Par exemple, l’horaire irrégulier du travailleur autonome peut être considéré comme déplaisant par le salarié, alors que le travailleur autonome trouve que ce type d’horaire lui offre une souplesse bienvenue.

Tableau 1 : Raisons pour lesquelles les langagiers ne souhaitent pas quitter leur situation

Je ne me vois pas salarié parce que... Je ne me vois pas travailleur autonome parce que...
Ma liberté n’a pas de prix Insécurité financière
Contraintes d’horaire et de déplacement Nécessité de trouver des clients
Perte d’indépendance Plus stressant
Je ne pourrais me consacrer autant à d’autres activités Isolement
J’apprécie ma mobilité (voyages, déménagements, choix du lieu de vie) Manque d’avantages sociaux
Satisfaction personnelle d’être à mon compte Irrégularité des horaires
Je suis entrepreneur, j’aime être mon propre patron Manque d’encadrement
J’aurais moins de vacances! Tâches comptables à effectuer
Je préfère sélectionner mes mandats et mes clients Risque de trop travailler
Relations patron-employé Vacances non payées
Conciliation travail-famille Revenu trop peu élevé
Besoin de solitude, de silence Manque de discipline personnelle

Conclusion

L’enquête sur les conditions de travail et les tarifs des langagiers a permis de dresser un portrait global de la situation qui, s’il n’est pas exhaustif, offre une vision d’ensemble instructive. En matière de revenu, on constate donc plus une stagnation de ceux‑ci qu’une diminution. Pour ce qui est des conditions de travail, la situation des travailleurs autonomes et celle des salariés est bien différente, mais les membres des deux groupes sont néanmoins satisfaits de leurs conditions.

Après avoir terminé un baccalauréat en génie mécanique à l’Université de Sherbrooke, François St-Jacques a obtenu une maîtrise en traduction et terminologie de l’Université Laval. Il travaille comme traducteur pigiste depuis 2010 dans les domaines technique et scientifique et est coauteur du Rapport de l’enquête sur les conditions de travail et tarifs des langagiers en 2012 publié par l’ATAMESL.

Photo-Francois-Saint-Jacques


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