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Johanne Boucher, ou la force tranquille de l’engagement

Le 30 novembre 2016, Johanne Boucher prend sa retraite de l’OTTIAQ après en avoir été, entre autres, présidente, puis directrice générale. Elle s’était également engagée à fond dans l’ACGL, l’AILIA, le CTTIC et autres CIQ. Retour sur un parcours entièrement voué à la promotion de notre profession.

Par Danielle Jazzar, traductrice agréée

À première vue, Johanne Boucher paraît timide, réservée, effacée même. Ce regard tranquille, ce sourire discret et ces pas feutrés qui ont arpenté les couloirs de l’OTTIAQ pendant des années se transforment toutefois dès qu’on parle du métier de traducteur : le regard devient alors pétillant, le port de tête s’élève fièrement et la voix se raffermit. C’est qu’elle a fait partie de la petite armée de fourmis qui, à force de détermination, ont porté l’étendard de la profession.

Son parcours

Les ingrédients qui tracent ce chemin : un père enseignant de français, une fratrie de huit enfants, un milieu soucieux de la qualité de la langue et, surtout, une curiosité et une soif de tout apprendre, entre autres l’anglais. S’ensuit une vie jalonné de rencontres, autant d’occasions à saisir au vol ou de portes à ouvrir pour avancer. C’est d’ailleurs une discussion avec une traductrice du Bureau de la traduction, à la fin de son secondaire, qui détermine le choix de son métier. Son baccalauréat en poche, elle entre dans le monde du travail et y gravit vite les échelons.

Mais pour Johanne Boucher, pratiquer son métier n’est pas suffisant… elle doit faire sa marque. Elle s’engage donc dans l’Association des conseils en gestion linguistique. C’est le début d’un long chemin consacré aux principaux enjeux auxquels sont confrontés les métiers de la langue, soit la francisation de la terminologie, les lexiques et le métier de terminologue.

Par ailleurs, l’informatisation des services de traduction, qui a été le premier grand défi de sa carrière, l’amène à penser que le traducteur peut aller au-delà du travail autonome et devenir un entrepreneur. Faire grandir la profession et augmenter sa visibilité auprès du public devient alors son cheval de bataille. Elle est au cœur de l’action dans pratiquement toutes les associations qui touchent au métier de traducteur.

Sa personne

Bien sûr, il faut concilier travail, famille et vie associative. Johanne Boucher a eu beaucoup de soutien de sa famille et elle possède un sens de l’organisation à toute épreuve. Le secret de cette organisation multitâche bien huilée? C’est d’abord, dit-elle, qu’elle est allée à bonne école et que la moindre formation qui se présentait était l’occasion d’ajouter une pierre à l’édifice et de mémoriser une information ou un petit truc qu’elle conservera précieusement et qu’elle appliquera tout au long de sa carrière. Le plus utile d’entre eux : ne travailler qu’avec un dossier à la fois sur son bureau. Grâce à cette discipline, tout a toujours marché. Son deuxième truc, qu’elle appris toute jeune au sein de sa nombreuse fratrie, c’est de laisser tomber la poussière avant d’agir. Cela donne le temps de réfléchir et de réagir calmement sans faire de gaffes.

Le mot qui la définit : l’engagement. Selon Johanne Boucher, quand on s’engage, on va jusqu’au bout, à la date et à l’heure définies. Il faut aussi être fiable; faire comprendre aux autres qu’ils peuvent compter sur nous. Lorsqu’on s’engage dans du bénévolat, quel qu’il soit, il faut respecter ses promesses. Elle souhaite que la jeune génération s’engage autant qu’elle-même l’a fait. Car, à son avis, la tendance à tout mâcher et à tout simplifier pour une génération pourtant brillante mènera à la paresse intellectuelle. Elle déplore le manque de culture générale, de même que l’incitation à ne s’intéresser qu’à une seule chose à fond et à laisser tomber le reste. Elle s’est d’ailleurs beaucoup impliquée dans la formation de la relève, qui a été l’un de ses chevaux de bataille. Elle a toujours insisté pour avoir des stagiaires, car, dit-elle, les jeunes doivent apprendre des personnes expérimentées : la profession doit se perpétuer.

Un conseil pour les jeunes : il faut se prendre en main; il faut bâtir sa carrière soi-même et ne pas attendre d’être acculé au pied du mur pour le faire. Il faut prendre au vol toutes les occasions qui se présentent, s’inscrire à toutes les formations, tous les projets, se porter volontaire pour les réaliser. Relever toutes sortes de défis, même ceux qui touchent la gestion. Que l’on aime ou pas, il faut tout essayer, mettre la main à la pâte.

Ce dont elle est le plus fière : avoir travaillé avec de nombreuses personnes aux points de vue divers dans plusieurs associations en même temps, et les avoir amenées à travailler ensemble malgré leurs différences. C’est justement pour honorer son talent de rassembleuse qu’une de ses équipes lui a offert une petite sculpture qui, à ses yeux, vaut tous les prix de la terre.

Ce qu’elle souhaite par-dessus tout : la reconnaissance des traducteurs par les employeurs. Et, selon elle, ce n’est pas gagné… Elle a eu l’occasion de comparer deux grandes entreprises où elle a travaillé. Dans la première, les traducteurs étaient reconnus et appréciés à leur juste valeur, et on le leur disait. C’était très valorisant. Dans la deuxième, l’indifférence à l’égard du travail des traducteurs était tellement démotivante qu’elle n’a pas pu y rester.

Des projets? Bien sûr!

Loin d’être passive, Johanne Boucher est aujourd’hui bénévole dans un comité de l’OTTIAQ qui s’intéresse à l’interprétation en milieu social et, si l’Ordre est désigné comme hôte du Congrès mondial de la FIT en 2020, elle participera avec plaisir à l’organisation de cet événement. Si l’occasion se présente, elle acceptera des mandats de consultation auprès d’autres ordres professionnels afin de les faire profiter de l’expérience qu’elle a acquise tant à la présidence qu’à la direction générale de l’OTTIAQ. Bref, elle ne retourne pas à la pratique de la traduction, mais elle compte bien garder un pied dans le monde professionnel.

Johanne Boucher n’a pas dit son dernier mot!


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