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Formation diversifiée et continue

Par Philippe Caignon, terminologue agréé et traducteur agréé
Je répète souvent à mes étudiantes et étudiants qu’en traduction et en terminologie, toute connaissance, aussi superflue qu’elle puisse paraître, est en fait un atout précieux qui leur donnera un jour la clé pour résoudre un problème auquel elles et ils seront confrontés. Éric Côté, traducteur agréé, partage ce point de vue. En effet, dans l’article qu’il a rédigé pour ce numéro, il présente les bienfaits que prodiguent une formation, une expérience et une pensée professionnelles ancrées dans la diversité. 

La diversité pour réussir sa carrière dans l’industrie langagière

La complémentarité des compétences transmises, la juxtaposition des réseaux conceptuels assimilés, la combinaison des points de vue adoptés et l’accumulation des expériences acquises génèrent dans l’esprit de la langagière et du langagier une synergie mentale qui augmente de façon substantielle la valeur et la productivité de son exercice professionnel. Ici, le caractère humain de cette synergie ne doit pas être négligé, car il a son importance. 

En effet, les êtres humains ont une propension plus ou moins forte, mais persistante, à s’adapter aux situations nouvelles qui marquent leur existence. Pour les personnes qui travaillent dans l’industrie langagière, cette adaptabilité est le fruit de la flexibilité cérébrale et intellectuelle qui les caractérise, car on le sait, traverser quotidiennement la frontière entre plusieurs langues et cultures exige une gymnastique mentale ardue mais constante. En fait, si la gymnastique mentale était inscrite au tableau des compétitions sportives des Jeux Olympiques, les langagières et langagiers gagneraient régulièrement des médailles.

Cette adaptabilité constitue donc une plus-value pour quiconque désire se lancer en traduction, en terminologie et en interprétation. Il faut la cultiver pour la conserver, car elle permet de se préparer aux défis de l’avenir qui se dessinent à grands traits. On n’a qu’à observer les bonds vertigineux de l’intelligence artificielle pour constater l’ampleur des transformations qui touchent dès maintenant les professions langagières.

La diversité pour pallier les faiblesses de la machine

De nos jours, pour notre société, le pendant du travail humain est le travail machine. Nombre de spécialistes en informatique entretiennent toutefois l’idée d’une collaboration productive entre les programmes intelligents et les homo sapiens. Conscient de l’évolution rapide des relations humains-machines, j’ai adopté la maxime suivante : « une personne ne sera pas remplacée par une machine, elle sera remplacée par quelqu’un qui sait travailler avec une machine ».

Dans le même ordre d’idées, lorsqu’on lit dans le présent numéro l’article de Grant Hamilton, traducteur agréé, on apprend que les langagières et les langagiers révisent déjà les productions de DeepL et d’autres systèmes de transfert linguistique automatique, en plus de traduire et d’améliorer à l’occasion des textes générés par un agent conversationnel comme ChatGPT ou Bard.  Ainsi, à l’heure actuelle, les êtres humains sont appelés à vérifier les affirmations, à améliorer la terminologie et à peaufiner le style de textes créés par un dialogueur pour les adapter selon les instructions de leur clientèle. 

Les outils informatiques progressent rapidement. D’ailleurs, certains auteurs, comme l’ingénieur et futurologue Raymond Kurzweil, parlent d’évolution exponentielle dont l’apogée sera la singularité technologique, prévue entre 2029 et 2099, si elle est réalisable. Certes, l’intelligence artificielle générative montre des signes concrets de créativité, mais elle ne semble pas pouvoir gérer celle-ci de façon disciplinée en tout temps. Ainsi, comme tout esprit penseur, créateur et imaginatif, elle fabule. Bien sûr, l’esprit humain fabule aussi, mais sciemment, du moins la plupart du temps… 

De plus, tout comme l’esprit humain le fait, l’intelligence artificielle manifeste à l’occasion de la discrimination, si elle est mal programmée. Ainsi, comme le constatait le professeur et traductologue Rudy Loock dans son allocution au congrès de l’Acfas de 2022, les logiciels de traduction automatique qui, admettons-le, n’ont pour l’instant qu’une intelligence limitée, commettent des erreurs si le corpus dont ils dépendent pour effectuer leur tâche est défectueux.  Un corpus composé de textes ne présentant que des hommes dans un poste de direction, par exemple, entraînera la masculinisation du nom de toute femme occupant un tel poste. Une femme sera alors perçue comme un homme par la machine et appelée « M. Judith Moore » à la place de « Mme Judith Moore ». Dans ce cas précis, il faut avouer que plus d’intelligence serait fort apprécié.

La diversité pour assurer son succès dans l’avenir

En fin de compte, on s’aperçoit que les langagières et les langagiers doivent avoir plus d’une corde à leur arc pour compenser les faiblesses des outils traductionnels actuels et les lacunes de l’intelligence artificielle émergente.  Qui plus est, on doit se rappeler que les exigences de nos professions et que les demandes de la clientèle sont redéfinies à mesure que le marché évolue et que les outils se développent. De fait, acquérir une formation et une expérience empreintes de variété constitue sans aucun doute une stratégie gagnante garantissant un bel avenir à celles et à ceux qui l’adoptent.



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