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La censure et les langagiers

Philippe Caignon, term. a. trad. a.

De tout temps les langagiers et les langagières ont porté grand soin au choix des mots, des termes et des expressions composant les documents qu’ils devaient rédiger ou traduire et les discours qu’ils devaient interpréter. En effet, dans l’exercice de nos professions respectives, une erreur de sens, ou de jugement, peut entraîner son lot de conséquences fâcheuses.

Mais que se passe-t-il lorsqu’un choix lexicologique ou terminologique dans une langue source ne fonctionne pas dans une langue cible? Que se passe-t-il quand une idée, une notion, est taboue dans une culture, interdite dans un État ou inacceptable dans une société? Les langagières et les langagiers font régulièrement face à ce type de questions.

Dans ce dossier, nous explorerons la censure en traduction, en révision, en terminologie, en interprétation et en sous-titrage. La censure existe depuis le début de l’histoire de l’humanité. En traduction, elle a d’ailleurs fait l’objet de quelques congrès (ACT 2001) et de numéros de revues scientifiques (TTR vol. 15, no 2; vol. 23, no 2).

Nous vivons à une époque et dans une société où le « politiquement correct » prime. Pour satisfaire un client, plaire à un public cible, préserver sa réputation, se plier aux lois nationales ou internationales, le langagier ou la langagière peut pratiquer la censure, voire l’autocensure, dans le cadre de son mandat. Selon les conditions ou les circonstances dudit mandat, un terme (« État », « pays » ou « nation », par exemple) doit être évité ou privilégié; certaines idées doivent rester sous silence ou être modifiées, car elles passeraient mal dans une langue-culture visée ou une circonstance particulière (l’histoire, la loi, la culture comportent en effet leur part de censure dont nous devons tenir compte).

Nous avons demandé à nos collaboratrices et à nos collaborateurs de nous entretenir sur la censure dans leur travail quotidien. Ainsi, Chantal Gagnon nous expliquera quelle forme peut prendre la censure dans la traduction des discours politiques; Marie-Pierre Hétu nous dévoilera ce qui constitue, selon elle, la censure en terminologie; Danielle Jazzar nous fera découvrir un concept peu courant, la « censure positive », en révision; Louis Jolicœur nous fera part de ses réflexions sur l’autocensure en interprétation; Dominique Pelletier traitera de la censure dans le sous-titrage au Canada et Barbara McClintock nous fera connaître Boris Pasternak, écrivain et traducteur qui vécut sous le régime de Staline.


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