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Se regrouper pour mieux servir le client

Non, les gros projets ne sont pas réservés uniquement aux cabinets de traduction d’envergure. En fait, si les pigistes savent se regrouper intelligemment, ils peuvent très bien répondre aux besoins d’une organisation de taille moyenne. La clef pour y parvenir ? Une dose d’audace, le sens de l’organisation, un bon réseau de collaborateurs et la maîtrise des outils informatiques.

Par Anne-Marie Mesa, trad. a.

L’histoire commence par un froid matin d’hiver. L’annonce est affichée sur la liste de discussion d’un réseau de traducteurs spécialisés dans le domaine médical, auquel j’appartiens. J’ai déjà ma clientèle, mais comme tout bon pigiste le sait ou finit par le découvrir, il est judicieux de démarcher régulièrement, surtout quand la majorité de nos clients sont dans le domaine parapublic et sont donc tributaires du renouvellement des subventions. Cette annonce est une belle occasion de présenter une offre de services.

L’importance du réseautage

La première étape consiste à bien cerner les besoins du client. C’est là que le réseautage entre en jeu. Un appel à la personne qui a diffusé l’annonce me permet d’en savoir un peu plus sur le client, ses attentes et ses craintes. Ces précieux renseignements m’aideront à peaufiner l’offre de service. Deuxième étape : s’associer avec des collègues avec lesquels on est habitué de travailler, qui ont les mêmes valeurs quant aux normes de qualité et à la philosophie commerciale, afin de proposer les services d’une équipe de traducteurs aux talents complémentaires.

Comme bien d’autres clients, celui-ci ne connaît pas nos façons de travailler, ne sait pas ce qu’est la démarche de traduction et se demande comment nous allons assurer l’uniformité de la terminologie si nous sommes plusieurs à travailler sur le même projet. Nous prenons le temps de l’écouter, de comprendre ses craintes. Nous lui expliquons que nous utilisons des outils d’aide à la traduction, ce dont il n’a jamais entendu parler. Pour illustrer nos propos, nous lui montrons un exemple de prétraduction d’une page de son site Web effectuée à l’aide de LogiTerm et lui expliquons que nous allons tout d’abord bâtir un lexique.

« Can’t you just translate and feed the lexicon as you go along? »

Cette question montre qu’il ne comprend pas la démarche et qu’il craint que les traductions n’avancent pas. À nous de le persuader que le temps « perdu » en recherche terminologique se traduira par un gain de temps au final, et surtout, par l’uniformité de la terminologie utilisée. Il est important de lui montrer qu’il peut contribuer en nous fournissant des sources qu’il estime être fiables. Nous sommes ses partenaires linguistiques, mais il est aussi le nôtre et il a sa place dans le processus. Qu’est-ce qu’un partenaire linguistique au juste ? C’est quelqu’un qui ne se contente pas de traduire, mais qui joue aussi un rôle-conseil1 auprès du client pour l’aider à communiquer. Dans le cas qui nous occupe, cela a par exemple consisté à signaler les erreurs et les incongruités du texte source et à offrir de réécrire le texte de sa brochure pour éviter les répétitions et pouvoir utiliser une police de caractères plus lisible.

Les outils d’aide à la traduction à la rescousse

Quel logiciel utiliser ? LogiTerm et ses fonctions de création de fiches et de prétraduction ? Déjà Vu et ses mémoires de traduction et bases terminologiques ? Les deux ? Comment éviter de faire double emploi et donc de facturer des honoraires superflus ? Avec quel logiciel va-t-on bâtir le lexique de départ ? Comment procéder ? C’est là que la connaissance des outils informatiques s’avère essentielle. La fonction « Dépouillement » de LogiTerm est particulièrement utile pour extraire les termes répétitifs qui serviront à créer un lexique et des fiches terminologiques qui peuvent être exportées dans Déjà Vu. Ensuite, chaque traducteur alimente le lexique et la base terminologique dans Déjà Vu au fur et à mesure qu’il traduit un texte, puis les échange avec ses collègues grâce à Dropbox, et ces derniers les associent à leur propre projet de traduction pour ce client.

Nous sommes cinq traducteurs, dispersés dans la grande région de Montréal, à nous consacrer à ce client à temps partiel, et nous ne sommes pas en réseau. Cette situation est loin d’être un obstacle. Grâce à Dropbox, nous pouvons déposer gratuitement des fichiers dans l’infonuage. Chacun peut y accéder depuis son ordinateur et y verser ses traductions ainsi que la mémoire de traduction et la base terminologique qu’il alimente au fur
et à mesure. Skype nous permet de tenir gratuitement des conférences téléphoniques pour discuter de terminologie et trouver des solutions aux problèmes de compatibilité des fichiers, etc. Évidemment, c’est plus facile quand tout le monde possède les mêmes outils et certains d’entre nous ont dû se procurer Déjà Vu. Par l’entremise de ProZ, on peut s’inscrire sur une liste d’acheteurs et bénéficier de 30 % de rabais sur Déjà Vu. Reste ensuite à apprivoiser le logiciel. Là encore, le fait d’avoir accès à un réseau de collègues plus expérimentés permet de gagner de précieuses heures quand on ne connaît pas bien la bête.

Une solution gagnante

Pour le client, ce type de regroupement est excellent, parce qu’il aurait fort peu de chances de trouver lui-même un traducteur et un réviseur spécialisés dans plusieurs domaines aussi pointus. De plus, en écrivant à une adresse courriel commune qui redirige le message dans la boîte de chaque membre de l’équipe, il est assuré de recevoir rapidement une réponse, puisqu’il y a toujours un membre « de garde ».

Pour le traducteur, ce type de regroupement permet d’ajouter un client à sa liste tout en continuant à servir les autres, ce qu’il n’aurait pas été capable de faire tout seul, de faire réviser ses traductions par des pairs en qui il a confiance et de gérer le volume de travail en minimisant les temps morts.

  1. Pour de plus amples renseignements sur le rôle-conseil, voir la présentation de Réal Paquette, trad. a., dans la Formathèque de l’OTTIAQ.

Anne-Marie Mesa, trad. a., exerce en pratique privée depuis 1983. Comme le père Noël, elle est arrivée à la traduction par la cheminée, en traduisant le manuel d'utilisation d'une brosse à ramoner. Cette expérience l'a convaincue que la traduction est une profession qui ne s'improvise pas.


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