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Jean-Paul Fontaine, ou l’électron libre

Vous cherchez un traducteur chevronné qui soit également humoriste, musicien, organiste de jazz, spécialiste du chant grégorien, enseignant, chef des relations publiques, gestionnaire, consultant en communications, conférencier et formateur spécialisé en théorie de l’électricité, mais aussi grand-père gâteau? Cet homme, vous le connaissez, c’est Jean-Paul Fontaine, ou JotaP pour les collègues, l’âme du forum de l’OTTIAQ.

par Danielle Jazzar, trad. a.

Nombreux sont les traducteurs du Québec qui ont croisé la route de Jean-Paul Fontaine. Il ne les a pas laissés indifférents. Les membres du forum se souviennent encore de ses récits de voyage en Chine empreints d’humour et d’esprit, dont il faisait profiter, photos à l’appui, ceux qui le lui demandaient. Il accompagnait alors sa fille dans sa démarche d’adoption, pour ouvrir ses bras de grand-papa à de nouveaux petits-enfants.

Son regard souriant, que dis-je, rieur et pétillant, respire la jeunesse, mais aussi la paix et la bienveillance. C’est avec ce regard-là que Jean-Paul revient sur son parcours plutôt atypique : un riche cocktail de savoir, de philosophie, d’art, d’amour de la langue… et de travail.

Tous les chemins…

L’entrée de Jean-Paul Fontaine dans l’univers de la traduction s’est faite par un cheminement un peu détourné. Mais tous les chemins ne mènent-ils pas à Rome?

Jean-Paul l’enseignant – Au moment de choisir sa carrière, son intérêt pour les langues l’a dirigé vers la profession la plus accessible dans le domaine à l’époque, vers la fin des années 1950, l’enseignement. Après ses études de pédagogie à Sherbrooke, où il a également appris l’anglais en vivant dans une famille anglophone, il enseigne l’anglais langue seconde et devient rapidement responsable de l’enseignement de l’anglais dans toute la ville de Jonquière. À 25 ans, s’étant fait proposer un poste de principal et craignant de stagner pour le restant de sa vie, il déménage à Longueuil, où il reprend l’enseignement. Mais pour pouvoir avancer, il lui faut une maîtrise. C’est ainsi que la traduction est entrée dans sa vie.

Jean-Paul le musicien – La musique a toujours fait partie de la vie de Jean-Paul. Il a fait du piano, de la clarinette et du solfège et, chose rare, parallèlement à ses études de pédagogie, il a aussi obtenu un diplôme de professeur en chant grégorien, et a rédigé un mémoire à ce sujet. Les explications de Jean-Paul sur la finalité de la musique grégorienne sont passionnantes. Selon lui, cette musique, quoique difficile pour une majorité de gens, a été créée pour illustrer des textes, c’est de l’improvisation pure. C’est l’ancêtre du jazz, qui toutefois n’illustre pas des textes, mais les idées du musicien, qui se fait un thème, puis des variations. La musique lui a bien servi, car Jean-Paul a dû gagner sa vie et celle de sa famille pendant sa maîtrise en traduction. Il a donc travaillé de nuit dans un bar-restaurant avec son orgue électronique pourvu d’une batterie intégrée, ainsi que son micro. Il était un orchestre à lui tout seul, autonome, à l’image de sa personnalité.

Jean-Paul le chef des relations publiques – sa maîtrise de traduction en poche, Jean-Paul a été embauché à Hydro-Québec. Il y a passé 28 ans. Au départ comme rédacteur et traducteur technique à Montréal, puis sur le projet de la Baie-James. Le domaine de l’électricité n’avait plus aucun secret pour lui. Il est passé ensuite à l’information de gestion, et enfin il a été directeur des relations publiques sur le plus grand chantier du monde, où il a côtoyé de grands noms, ses visiteurs étant des chefs d’État, des gens d’affaires, des décideurs, de même que des journalistes venus de 200 pays.

Casser la ficelle

Jean-Paul le traducteur – À sept ans de l’âge de la retraite, comme Jean-Paul avait suivi le développement de l’informatique, il s’est rendu compte que la technologie était arrivée suffisamment à maturité pour lui permettre d’exercer la traduction à partir de n’importe où dans le monde, sur un ordinateur portable, avec comme bagage toutes ses connaissances et ses ressources dans le domaine de l’électricité. Il pouvait conclure un projet à partir de la Chine, le recevoir sur son ordinateur en Angleterre et le terminer dans son chalet de Saint-Félicien. Ne plus rester attaché à un bureau avec une ficelle, c’était le rêve de Jean-Paul l’indépendant. Il a également fait profiter de son savoir dans le domaine de l’électricité des cohortes de traducteurs. Ses formations et ses conférences, données de manière rigoureuse, faisaient toujours passer cette matière technique avec une touche d’humour.

Jean-Paul l’humoriste – Quand on lui demande s’il a l’habitude de plaisanter dans sa vie de tous les jours, il répond : « Je suis toujours comme ça, à cœur de jour […] Je tiens ça de mon père. C’était un saint homme qui a eu une vie extrêmement difficile, mais qui ne s’est jamais plaint, qui a toujours su rire quand même, et qui a toujours su faire rire. Il avait un sens de l’humour formidable. » Son oncle aussi avait beaucoup d’humour, c’est donc de famille. C’est pour cette raison qu’il a choisi « humour et traduction » comme sujet de son mémoire de maîtrise, où il a fait une analyse de la traduction des Carnets du major Thompson, de Pierre Daninos. Il aurait bien aimé traduire certains ouvrages humoristiques ou autres romans drôles qu’il a lus en anglais ou en espagnol… mais ils étaient déjà traduits. Il aurait beaucoup aimé traduire Mafalda. L’humour de Jean-Paul, c’est ce qui l’a rendu populaire parmi les collègues traducteurs. Selon l’un d’entre eux, « c’est, avant tout, un grand farceur qui sait prendre en riant les bons comme les mauvais côtés de l’existence. Derrière les blagues, il y a bien sûr beaucoup d’esprit, mais également beaucoup de profondeur. L’expérience d’un philosophe qui sait ramener les choses à leurs justes proportions. »

Quand les lignes ondulent

Aujourd’hui Jean-Paul commence à fermer le volet de la traduction, d’abord en raison de quelques ennuis de santé, dont il s’est bien remis : « Je pète le feu et je brûle tous mes sous-vêtements », dit-il, d’un air espiègle… et ensuite de problèmes aux yeux. C’est un gros problème pour un réviseur quand les lignes des textes ondulent. On peut lire un livre en diagonale, sans déchiffrer tous les mots, mais pour l’autorévision, c’est plus ennuyeux. C’est donc probablement sa dernière année dans l’Ordre en tant que membre exerçant la profession. Jean-Paul, « notre joyeux papi ultramoderne et espiègle », comme le dit si bien une de ses collègues traductrices, consacrera un peu plus de temps à ses petits-enfants, dont l’âge varie de 5 à 33 ans, dans son chalet de Saint-Félicien.

Il gardera certainement le contact avec les collègues traducteurs, dont il est un modèle d’inspiration. L’un d’entre eux le résume bien : « Ce qui me fascine chez Jean-Paul Fontaine, c’est son ouverture sur les gens et sur le monde. On dirait que son esprit curieux et ses voyages dans de nombreux pays lui ont donné une grande richesse qu’il adore partager avec les autres. Sur le plan professionnel, Jean-Paul est pour moi un modèle. Il a su alimenter la flamme de la passion pour sa profession et il a toujours le feu sacré après de très nombreuses années de pratique. »

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