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Témoignage

Tous les chemins mènent à… la traduction!

Par Sonia Corbeil, traductrice agréée

J’ai souvent entendu des gens du milieu dire « “ma mère”, “ma tante” ou “ma grand-mère” était traductrice, c’est pour cela que j’ai choisi cette profession ». Dans mon cas, pas de parente qui a exercé la traduction. Je n’y avais même jamais pensé. Pendant toute mon adolescence, j’ai voulu être policière pour « sauver des enfants ». Mais après une année d’études au cégep dans ce domaine, je me suis rendu compte que je passerais surtout mes journées à « côtoyer des faiseurs de trouble », et que ça prend des nerfs et un moral d’acier. Ouf, pas fait pour moi du tout! Un bon jour, ma professeure de philosophie m’a demandé comment j’allais, et je lui ai raconté que j’avais détesté faire l’agente de sécurité lors de la parade de la Saint-Patrick à Montréal : « J’ai passé ma journée à dire aux gens de s’écarter de la rue avec un air austère pour qu’ils m’écoutent. C’est triste. » Elle m’a alors dit : « Fais attention si tu ne veux pas passer toute ta vie à côté de la parade. » Ses paroles ont été assez convaincantes pour que je quitte le cégep et que je décide de fonder ma famille, à défaut de savoir quoi faire de ma vie professionnelle.

Quelques années plus tard, j’ai suivi un cours de tenue de livres et de coiffure, mais le cœur n’y était pas. Puis, après ma séparation, je voulais plus que tout fréquenter l’université pour m’accomplir et me surpasser dans un emploi qui me passionne. C’est donc à 28 ans que j’ai trouvé ma voie, dans le bureau d’une conseillère en orientation. Avec elle, j’ai passé des tests de personnalité et j’ai réfléchi à ce que je voulais « faire de ma vie ». Je caressais l’idée de devenir contrôleuse aérienne, pilote d’avion de ligne, avocate ou entrepreneure. Nous avons analysé ces emplois et leurs exigences tout en faisant ressortir les caractéristiques qui m’intéressaient le plus : avoir la possibilité d’apprendre et de voyager, flexibiliser mon horaire pour m’occuper de ma famille, travailler à la fois seule et en équipe, et mener une carrière prestigieuse. Nous avons également passé en revue mes forces : maturité, bilinguisme et passion pour les langues et les cultures étrangères. Au bout de plusieurs rencontres, nous en sommes arrivées à la profession qui me conviendrait le mieux : traductrice!

Les années d’université en traduction ont été longues, cinq pour le baccalauréat, et quatre pour la maîtrise, mais le jeu en a valu la chandelle. Dès le début, mon nouveau conjoint m’a appuyée de mille façons, et il le fait encore. J’ai réussi mes études tout en étant présente à la maison et en allant à la plupart des ateliers d’école de mes trois enfants. L’été, j’ai évité la cohue des camps de jour en restant avec eux, ainsi qu’avec mes deux beaux-enfants. Avec le recul, mon travail de « 40 heures par semaine » d’aujourd’hui est beaucoup plus reposant que de faire la « police » avec cinq enfants! Côté financier, ça n’a pas toujours été facile, mais j’ai appris à mettre mes priorités aux bons endroits, à apprécier ce que j’ai et à incarner des valeurs humaines. Élever ses enfants, ça n’a pas de prix. Ils sont grands maintenant (entre 14 et 18 ans), et nous avons une sublime complicité familiale. J’ai aussi reçu beaucoup de soutien, à l’Université Concordia et à l’OTTIAQ, de la part de femmes et d’hommes qui m’ont encouragée à continuer, malgré les défis. J’ai été choyée par des rencontres touchantes qui m’ont fait progresser.

Je suis fière de tout ce que j’ai accompli, mais surtout, de ma persévérance. J’ai été traductrice pigiste, enseignante de traduction et de français langue seconde, et je suis présentement réviseure dans un cabinet de traduction international. Ma profession me permet de m’épanouir, de faire du télétravail, d’apprendre quelque chose de nouveau chaque jour et de créer des liens avec de belles personnes. Je ne sais pas si on dira de moi un jour « “ma mère”, “ma tante” ou “ma grand-mère” était traductrice, c’est pour cela que j’ai choisi cette profession » ou si j’inspirerai quelqu’un au passage, mais c’est certes un travail génial qui offre une multitude d’avenues.

Sonia Corbeil détient une maîtrise en traductologie de l'Université Concordia et occupe un poste de gestionnaire de la qualité chez TransPerfect depuis 2018. Elle a été traductrice pigiste et enseignante de traduction et de français langue seconde entre 2012 et 2017.


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