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Décrocher des contrats et conserver le client : mode d’emploi

Pour décrocher des contrats, bien servir le client et le fidéliser, il est important de connaître ses besoins et les attentes qui teintent son processus décisionnel. Écoute et dialogue, stratégie de différenciation et service hors pair, tant sur le plan technique que fonctionnel, doivent être au menu afin d’offrir une expérience client positive du début à la fin.

Par Anne-Marie Mesa, traductrice agréée

 

L’expérience client

L’expérience client comprend l’ensemble des interactions vécues par le client lorsqu’il fait affaire avec une entreprise11, que ce soit avec le personnel de contact, les technologies de service à distance (Web, courriel, téléphone) ou avec les équipements et technologies de service mis à sa disposition au point de service. (Marketing de services : amélioration continue de l’expérience client, p. 48)


Qu’est-ce qui motive le choix d’un prestataire de services?

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le prix n’est pas le déterminant majeur lorsqu’on choisit un prestataire de services. Comme le mentionnait la traductrice indépendante Chris Durban dans l’atelier1 qu’elle donnait au dernier congrès de l’OTTIAQ, ce qui motive l’acheteur, c’est la peur. Celle de mal choisir son prestataire, de gaspiller ses ressources, de recevoir le document en retard... Dans son livre Marketing de services : amélioration continue de l’expérience client,  Louis Fabien2, professeur agrégé et associé à la Chaire de recherche en marketing des services et expérience-client à HEC Montréal, renvoie plutôt à la notion de risque : « S’engager avec un prestataire de services comporte des risques. Le client peut très rarement essayer un service avant de l’acheter. L’intangibilité propre aux services fait en sorte que le client ne peut utiliser de critères objectifs pour faire son évaluation. Il se fie généralement aux promesses du prestataire concernant la performance technique3 et la performance fonctionnelle4 ».

Pour s’assurer de répondre aux attentes du client, il faut bien les cerner. Dans ce but, on ne doit pas hésiter à instaurer un dialogue et à poser des questions, surtout en phase d’approche. Comme le suggère l’Ordre dans les Règles de pratique professionnelle en traduction5, « Au premier contact, les principaux objectifs sont d’établir le lien de confiance avec le client potentiel et de faire préciser la nature du mandat. Il importe en effet que le traducteur comprenne le mieux possible l’attente du client […] pour éviter tout malentendu en cas de contrat effectif, ou encore pour aiguiller le client vers un autre service ou un collègue plus compétent ».

Les attentes du client

Selon les études, le client s’attend généralement — et surtout — à ce que le prestataire prenne le temps de le connaître et qu’il s’intéresse à sa réalité. Il souhaite aussi que le prestataire soit honnête, qu’il respecte ses engagements et qu’il se rende disponible au besoin — c’est-à-dire qu’il réponde rapidement et efficacement à ses demandes. Le client s’attend aussi à ce que le traducteur, le terminologue ou l’interprète (TTI) soit compétent, courtois et empressé; qu’il comprenne bien sa demande; qu’il soit flexible et qu’il assure la sécurité et la confidentialité de ses données. Enfin, il souhaite également que le processus de services soit convivial; que les conseils offerts soient clairs et compréhensibles; que le TTI le traite de façon équitable si un problème survient; qu’il le laisse cheminer à son rythme et qu’il respecte son autonomie de décision.

Comme on peut le voir, les attentes du client ont trait à la fois à la performance technique (compétence) et à la performance fonctionnelle (disponibilité, flexibilité, convivialité et respect).

Parmi toutes ces attentes, « La fiabilité du service représente [celle] qui a le plus d’incidence sur le niveau de satisfaction et elle n’est souvent associée, à tort, qu’au résultat final, alors qu’elle se décline en deux dimensions : une dimension technique et une dimension fonctionnelle. »6, estime M. Fabien. Selon lui, « Fournir un service fiable consiste à respecter, d’une expérience à l’autre, ses engagements, explicites ou implicites, dans les délais prescrits, selon des modalités précisées au début de la prestation, et ce, quel que soit le type d’interaction »7.

Pour illustrer l’absence de fiabilité sur le plan fonctionnel, imaginons un traducteur qui rendrait une traduction absolument parfaite d’une demande de subvention… trois jours après la date limite d’envoi de ladite demande. Il aurait certes satisfait aux attentes en matière de performance technique, mais sur le plan fonctionnel, ce serait assurément un échec. Dans l’ensemble, l’expérience qu’il aurait fait vivre à son client serait perçue comme étant négative, avec raison.

De même, un traducteur qui livrerait toujours un travail de qualité en respectant les échéances, mais dont la note d’honoraires comporterait systématiquement des erreurs de calcul, ou un autre qui mettrait une éternité à répondre au client ne ferait pas vivre une expérience positive au donneur d’ouvrage. En effet, la notion du temps est fondamentale en gestion des services, qu’il s’agisse du temps d’attente, du temps de livraison ou des délais de service après-vente.

Un TTI affichant les différentes attitudes illustrées précédemment ne répond manifestement pas aux attentes.

Connaître les attentes pour mieux se démarquer

Les attentes constituent l’élément clé du comportement décisionnel du client. En sachant précisément ce que veut son client potentiel, le TTI peut adapter son offre de services et décider des éléments porteurs de valeur ajoutée qu’il peut y faire valoir. « Pour le client qui ne perçoit pas de différence entre les offres de services des prestataires, le meilleur choix sera d’opter pour le concurrent le moins cher. Le défi pour les fournisseurs consiste à se différencier par des attributs autres que le prix »8, explique M. Fabien. C’est là que réside l’importance pour le TTI de s’interroger aussi sur les vecteurs de positionnement qui détermineront sa stratégie de différenciation.

Vecteurs de positionnement
Attributs de services choisis, qui auront une incidence directe sur toutes les stratégies de marketing subséquentes. (Marketing de services : amélioration continue de l’expérience client, p. 86)

Stratégie de différenciation
Identification des attributs de services qui répondent aux attentes les plus importantes du segment cible et qui différencient l’entreprise des concurrents. (Marketing de services : amélioration continue de l’expérience client, p. 85)

Le principal service offert par un prestataire ne suffit pas toujours à attirer ou à retenir la clientèle. Pour remporter des contrats dans un marché concurrentiel, le traducteur doit créer de la valeur, c’est-à-dire concevoir plusieurs services complémentaires ou périphériques correspondant aux attributs recherchés par le client et les décrire de façon précise dans son offre de services.

Par exemple, un client peut avoir besoin de faire traduire des graphiques qui devront être mis en pages, de faire transcrire des vidéos dont il a perdu le scénario et de les faire doubler dans la langue cible, ou encore que l’on jette un regard critique sur son texte parce qu’il a négligé d’en faire la révision dans la langue source. Le traducteur qui signale délicatement que « 5 g de morphine stat » semble être une dose hors norme et qui ose demander au client si le m de mg ne se serait pas perdu en chemin gagne assurément son respect et s’assure de sa loyauté!

Ce type de services complémentaires fait partie des vecteurs de positionnement qui permettent au TTI de se démarquer de la concurrence.

Et le prix?

Comme nous l’avons mentionné, le client ne cherche pas nécessairement le meilleur prix, mais bien la meilleure valeur. « Le service offrant la meilleure valeur […] sera celui qui correspond aux attributs désirés par le client, à un prix avantageux et à un niveau d’accessibilité optimal »9, précise Louis Fabien. Le TTI a donc avantage à comprendre ce qui génère de la valeur aux yeux du client, car ce dernier choisira un service porteur d’une valeur ajoutée supérieure à celle qui est offerte par la concurrence, même si le prix est plus élevé : « Une offre de services à forte valeur ajoutée doit nécessairement être accompagnée de tarifs plus élevés que ceux des concurrents pour être cohérente avec la qualité des services offerts »10, estime Louis Fabien.

Attention à la performance fonctionnelle

Lorsqu’on pense au service offert dans notre domaine, on se préoccupe plus souvent de la performance technique que de la performance fonctionnelle. Pourtant, les deux font partie de l’expérience client, et les causes d’insatisfaction sont le plus souvent attribuables à la dernière.

En fait, l’expérience client « comprend l’ensemble des interactions vécues par le client lorsqu’il fait affaire avec une entreprise », rappelle Louis Fabien. Plusieurs interactions sont possibles, mais toutes n’ont pas la même importance à ses yeux. Par exemple, en matière de performance technique, le client n’a pas les mêmes attentes dans le cas de la traduction d’une note de service diffusée en interne que pour la traduction de son rapport annuel. Par contre, les deux documents pourront faire l’objet des mêmes attentes en ce qui a trait à la performance fonctionnelle : la traduction doit être livrée à temps, dans le format demandé, et la facture émise par le traducteur doit être exacte, détaillée et claire.

Négliger l’une ou l’autre de ces performances provoque inévitablement une insatisfaction. De même, la consommation d’un service inclut une dimension utilitaire ainsi qu’une dimension expérientielle. Cette dernière correspond aux sensations et aux émotions que ressent le client chaque fois qu’il interagit avec le prestataire, peu importe le type et le nombre d’interactions, d’où l’importance de soigner chacune d’elles et non simplement la qualité technique du service.

Un client satisfait, c’est payant!

« La satisfaction du client est fonction de la comparaison, a posteriori, entre la performance attendue fondée sur ses attentes et la performance vécue, fondée sur les services reçus, indique M. Fabien. L’écart entre ces deux types de performances déterminera le niveau de satisfaction du client. »12 La mesure de la satisfaction doit donc porter sur les différentes phases de l’expérience client. « La relation entre le niveau de satisfaction, le taux de rétention et la profitabilité a été démontrée dans plusieurs études. En augmentant le taux de rétention de 5 %, certaines entreprises ont réussi à augmenter leur profitabilité de 30 à 100 % »13, précise M. Fabien. Les études démontrent en effet que les profits des entreprises performantes sont attribuables aux clients loyaux. Un client très satisfait devient votre meilleur partenaire auprès de son groupe de référence : ce sera votre « ambassadeur ». M. Fabien conseille de faire vivre aux clients que l’on sert déjà « une expérience unique, conviviale et mémorable, garante d’un taux de loyauté élevé » au lieu de consacrer de l’énergie à la recherche de nouveaux clients.

Oui, mais les tarifs baissent, et la concurrence est rude…

Tout cela est-il possible dans un marché où les tarifs sont à la baisse, où la technologie grignote des parts de la tâche du traducteur et où la concurrence est rude? Oui. Le traducteur peut tirer son épingle du jeu s’il vise le marché haut de gamme, s’il est capable de déterminer sa valeur ajoutée et de la faire valoir. Car il faut reconnaître que, à ce jour, aucun Google Translate ou DeepL de ce monde n’est capable de s’apercevoir qu’une dose de 5 grammes de morphine tuerait non seulement le patient à qui elle serait administrée, mais l’hôpital au complet.



1. Constituer sa clientèle, à vous de jouer — Atelier donné au congrès de l’OTTIAQ le 17 octobre 2017 par Chris Durban, traductrice indépendante installée à Paris.
2. Louis FABIEN, Marketing de services : amélioration continue de l’expérience client, 3e édition, Montréal, Les Éditions JFD, 2017.
3. « Performance technique : Résultat obtenu après la prestation de services. » ibid., p. 52
4. « Performance fonctionnelle : Performance de l’entreprise à chaque étape de la livraison du service; elle repose sur la façon dont le service a été livré », ibid.,p. 52
5. Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec, Règles de pratique professionnelle en traduction, p. 3.
6. Louis FABIEN, Marketing de services : amélioration continue de l’expérience client, 3e édition, Montréal, Les Éditions JFD, 2017. p. 53
7. Ibid. p. 54
8. Ibid. p. 85
9.Ibid. p. 25
10. Ibid. p. 125
11. Ibid. p. 48
12. Ibid. p. 60
13. Ibid. p. 60
14. Ibid. p. 7
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