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Édito

De l’utilité de la recherche pour l’exercice des professions langagières

Par Philippe Caignon, terminologue agréé et traducteur agréé

L’exercice de la traduction, de la terminologie et de l’interprétation exige une forte concentration mentale qui se doit de perdurer pendant plusieurs heures, même si cette concentration est occasionnellement interrompue par des éléments extérieurs, comme les questions de collègues, les échanges avec la clientèle ou les courtes pauses obligatoires qui permettent d’éviter une fatigue excessive.

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Au temps pour moi


Le bleu des pervenches a disparu discrètement tandis que s’amorçait la courte vie des trolles jaunes. Ce sont ensuite les corolles ondulées de crème des iris qui se sont ouvertes. Puis les épis roses des astilbes ont bruni pour laisser galamment briller l’hydrangée blanche avant que les roses n’éparpillent leurs pétales à mon passage sous la tonnelle en direction des framboisiers ourlés de rouge que je dispute aux oiseaux. L’orange des capucines s’harmonise avec le jaune des fleurs de concombres. Ainsi s’étalent, sous mes fenêtres, les couleurs du temps qui passe. Bientôt l’hiver, puis bientôt le printemps, et bientôt mes cheveux blancs.

Le temps court à grandes enjambées. Même sur les horloges anglaises où on le force pourtant à marcher sur les mains. Il fuit et c’est normal : nombreux sont ceux qui cherchent à le tuer.

Je ne m’entends pas bien avec le temps, pas plus qu’avec les chiffres, sans doute parce l’un ne va pas sans l’autre. Combinez le tout avec une langue étrangère et c’est catastrophique.

Ainsi, je déconcentre les guichetiers des gares en traçant dans le vide, à la hauteur de nos nez respectifs, les heures et les numéros de trains qui m’arrivent hachurés par l’hygiaphone. En allemand, je commence prudemment sous le nez du client à ma droite pour avoir toute la place voulue parce que les unités viennent avant les dizaines.

La contrepartie de l’exercice, c’est quand on m’interpelle pour me demander l’heure et que c’est à moi de réunir tout le matériel. J’ai donc mis au point quelques stratagèmes.

Même en anglais, les chiffres ne m’arrivent toujours pas aisément malgré de nombreuses années de fréquentation. Alors, si je croise quelque touriste anglophone soucieux du temps, je cache ma montre dans ma manche et présente mes regrets en hiver, tandis qu’en été je brandis l’instrument en libre-service sous les yeux du demandeur. Je suis même prête à m’infliger une clé de bras pour lui faciliter la lecture.

Même chose dans les pays germaniques, que l’on dit assez pointilleux sur l’horaire. Je n’arriverais pas à dire assez vite au travailleur pressé qui me demanderait l’heure à la volée, à 14 h 35, qu’il est fünf nach halb drei soit cinq après la demie de trois.

En Italie, il paraît assez normal de prendre quelque liberté avec l’horaire; aussi, bien que le système soit assez semblable au nôtre, j’arrondis et je réponds toujours l’heure juste ou la demie.

Au Portugal, par contre, c’est l’heure juste qui me pose problème. Je donne donc toujours au moins cinq minutes d’avance à mon interlocuteur. J’emploierais la même astuce si nous avions l’heur de nous rencontrer, disons, à six heures moins vingt-six. J’aurais en effet bien du mal à dire en souriant et en chuintant que são vinte e seis para as seis [saon vinti i séiche para ache séiche] soit, littéralement, vingt et six avant les six.

Avec beaucoup de naïveté ou de prétention, je croyais avoir vu toutes les possibilités quand est arrivée la leçon de catalan. Si un jour je vais en Catalogne, j’y apprendrai sans doute beaucoup sur le rapport au temps, qui n’y est pas réduit à sa plus simple expression, temps s’en faut. Il y a bien un mot catalan pour dire « demie », mais il ne sert pas pour exprimer le temps. On dit plutôt « deux quarts ». L’autre particularité, c’est que dès après le premier quart, on peut inverser la perspective et regarder vers l’avenir. Il reste possible de dire, comme en français, qu’il est « deux heures et quart », mais on dira aussi volontiers qu’il est un quart de tres (un quart de trois). Toujours dans le sens des aiguilles de la montre, alors qu’ici il serait 14 h 20, on dira là-bas un quart i cinc de tres (un quart plus cinq avant trois) ; à 14 h 25, il sera donc dos quarts menys cinc de tres, soit « deux quarts moins cinq avant trois » ; et à 14 h 35, « deux quarts plus cinq avant trois » ! J’envisage l’achat d’un téléphone dit intelligent avec appli horloge parlante.

Bon, le temps file et c’est justement le jour de mon cours. Je vous y invite, mais vous devez me rejoindre quand falten cinc minuts per a tres quarts de tres, c’est-à-dire alors que « manquent cinq minutes aux trois quarts avant trois ». Soyez à l’heure !

Dossier
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