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Les langagières et langagiers pour l’environnement

Par Philippe Caignon, terminologue agréé et traducteur agréé

C’est indubitable, la cause environnementale n’est pas une simple mode passagère dont nous ne parlerons plus dans quelques décennies. Elle est maintenant ancrée dans la conscience des jeunes comme des moins jeunes. Cette cause est par ailleurs de plus en plus couverte dans les médias, nouveaux comme classiques. Nous n’avons qu’à fureter les sites d’information traditionnelle pour constater cette couverture croissante. L’environnement est désormais un thème qui figure parmi les onglets aux sujets généraux tels que l’économie, la politique et les nouvelles internationales. C’est le cas notamment des sites de Radio-Canada1 et de CTV News2, mais pas encore de TVA Nouvelles3 ou de CBC News4.

Choisir l’action ou l’inaction

Télédiffusées, radiodiffusées ou webdiffusées, les nouvelles concernant l’état de l’environnement affectent chaque personne de façon distincte. Ainsi, nous pouvons rester impassibles en niant l’existence du réchauffement planétaire, immobiles devant l’ampleur des efforts à fournir, timides en s’imaginant que nos actions n’ont qu’un effet global relativement faible, motivés en prenant conscience que chaque décision individuelle s’accumule et se combine avec les résolutions des autres, ou encore transportés devant l’urgence de régler un phénomène apparemment catastrophique à moyen et à long termes. Peu importe notre choix, en tant que citoyennes et citoyens avertis, nous sommes appelés à l’endosser et à vivre avec ses conséquences.

Afin d’assumer notre choix de façon appropriée, nous pouvons évidemment nous informer et chercher à savoir comment notre action ou inaction influe sur notre empreinte écologique. Bien entendu, nous postulons ici que chaque individu est un agent actif de son environnement. En d’autres termes, nous supposons que nous ne sommes pas distincts de l’environnement, car nous constituons une partie intégrante de l’écosystème. 

Calculer son empreinte écologique

D’ailleurs, pour comprendre et évaluer notre empreinte écologique personnelle, nous pouvons consulter moult sites pour nous aider à la calculer. Mentionnons ainsi la page web de Radio-Canada5 qui propose plusieurs calculateurs intéressants, dont le questionnaire ludique créé pour les jeunes par le gouvernement du Québec6. Bien entendu, certains sites offrent aussi des services payants pour les entreprises. Ceux-ci se révèlent fort utiles aux entrepreneures et entrepreneurs soucieux de l’environnement.

Réfléchir avant d’agir 

Pour leur part, nombre de langagières et langagiers désirant prendre des mesures concrètes pour alléger leur poids environnemental s’engagent dans une réflexion sur les gestes qu’ils posent. De fait, quelques traductrices et traducteurs ont publié le fruit de leur réflexion dans des articles qu’il est possible de consulter gratuitement sur la Toile. Les idées qu’ils véhiculent sont par ailleurs assez détaillées et des plus pertinentes.

Gérer ses principes personnels

Prenons comme premier exemple le travail d’Ella Vihelmaa effectué en 2009. Dans un article portant sur l’éthique de la traductrice et l’écologie7, Vihelmaa analyse les réponses d’un questionnaire envoyé à 72 langagières finlandaises (56 femmes et 16 hommes) et évalue « la compatibilité de certains modèles éthiques de la traduction avec le principe d’intégration de la protection de l’environnement dans toute l’activité humaine7. » Elle traite ainsi de la contradiction des langagières qui traduisent « des textes faisant progresser des causes contraires à leurs idéaux personnels7 » pour conserver leur emploi, gagner de l’expérience ou simplement recevoir un salaire et prend note de la culpabilité ressentie par certaines langagières, culpabilité qui prend la forme « de frustration (18 mentions), de mauvaise conscience (11 mentions), de cynisme (3 mentions), de dégoût (3 mentions), de dérapage (2 mentions) ou de dépression (2 mentions)7 ».

Il va sans dire qu’une telle situation n’est pas isolée. De tout temps, les traductrices et les traducteurs ont en effet été appelés à travailler sur des textes qui leur semblaient parfois impossibles à traduire, car ils allaient à l’encontre de leurs valeurs fondamentales. En fin de compte, le choix de traduire ou non de tels documents leur revenait d’office et leur revient toujours… mais là encore, il faut savoir vivre avec les conséquences de son choix.

Adapter son exercice professionnel

Bien entendu, l’exercice professionnel ne s’exprime pas seulement par le type de documents que nous choisissons de traduire ou de ne pas traduire. Nos habitudes de travail constituent également un aspect non négligeable à examiner. Pour ce faire, nous pouvons nous tourner vers un article écrit par Séverine George et Marie-Laure Faurite en 2020, article qui traite de la manière « d’optimiser son environnement de travail pour réduire son empreinte écologique8 ». 

Les autrices divisent leur article en trois parties : l’environnement de travail, les pratiques écoresponsables ainsi que la communication et le démarchage sobres. Ces sections se scindent à leur tour en de nombreuses sous-sections au contenu explicatif, clair et utile. Prenons le passage « Opter pour du neuf durable ». Dans ces paragraphes, George et Faurite présentent les idées pour trouver une alternative aux marques polluantes. Elles proposent également de « Choisir son moteur de recherche » en optant pour une utilisation stratégique des moteurs de recherche en combinant plus d’un outil, chacun dans un but précis. Le seul bémol à cet article pour toute personne nord-américaine, ce sont les exemples de produits essentiellement européens. Cela dit, la réflexion qui soutient les produits reste excellente et inspire à faire davantage pour l’environnement.

Regarder vers l’avenir

Prendre soin de l’environnement, c’est prendre soin de nous. C’est aussi contribuer à la pérennisation de notre société et au bien-être professionnel des générations de langagières et langagiers à venir. Nous leur léguerons ainsi un milieu de travail sain dans lequel elles pourront s’épanouir en toute quiétude, et à leur tour elles participeront à forger une autre relève, heureuse de vivre… et non pas seulement de survivre.

 


Références

1) Radio-Canada (2021). Environnement. [En ligne]. Page consulté le 28 novembre 2021.
https://ici.radio-canada.ca/environnement.

2) CTV News (2021). Climate and Environment. [En ligne]. Page consulté le 28 novembre 2021.
https://montreal.ctvnews.ca/environment

3) TVA Nouvelles. (2021). TVA Montréal. [En ligne]. Page consulté le 28 novembre 2021.
https://www.tvanouvelles.ca/regional/tva-montreal 

4) CBC News. (2021). News. [En ligne]. Page consulté le 28 novembre 2021.
https://www.cbc.ca/news 

5) Radio-Canada (2021). Calculer le coût environnemental de son quotidien. [En ligne]. Page consulté le 27 novembre 2021.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1736226/calculateurs-empreinte-ecologique-environnementale-carbone

6) Gouvernement du Québec (2021). Environnement et lutte contre les changements climatiques. [En ligne]. Page consulté le 27 novembre 2021.
https://www.environnement.gouv.qc.ca/jeunesse/jeux/questionnaires/Empreinte/Questionnaire.htm

7) Vihelmaa, Ella. (2009) « L’éthique du traducteur à l’épreuve de l’écologie », in META, Vol. 54, No 4, p. 857–870. [En ligne]. Page consulté le 28 novembre 2021.
https://id.erudit.org/iderudit/038908ar

8) George, Séverine et Marie-Laure Faurite. (2020) « L’écotraduction, ou le traducteur en transition - Optimiser son environnement de travail pour réduire son empreinte écologique », in Traduire, No 242, p. 6-22. [En ligne]. Page consulté le 27 novembre 2021.
https://doi.org/10.4000/traduire.1971


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