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La recherche et les disciplines langagières

Par Philippe Caignon, terminologue agréé et traducteur agréé
Les chercheuses et chercheurs en traduction, en interprétation et en terminologie ne cessent d’innover et de participer à l’évolution de nos professions en plus de celle de notre société. Que nous nous inscrivions en recherche, en pratique ou dans un amalgame des deux, nous constatons que nous sommes à la croisée de bien des domaines en évolution rapide. En conséquence, nous devons souvent composer, par exemple, avec des questions éthiques, des développements technologiques ou encore de nouvelles pratiques disciplinaires avant même que ces éléments soient connus, voire reconnus, dans ces domaines. 

Bien entendu, la traduction, l’interprétation et la terminologie sont elles-mêmes des disciplines qui entrent dans les sciences humaines et qui contribuent activement aux avancées sociales, technologiques, et scientifiques de notre monde. C’est dans cet esprit que le comité de rédaction de Circuit a joint des chercheuses et chercheurs pour qu’ils et elles nous décrivent ce qu’il se passe dans leur spécialité.

Nous commencerons ainsi le présent numéro par un article de Valérie Florentin dans lequel elle traite d’un double sujet : l’effet de la recherche en intelligence artificielle sur l’enseignement de la traduction et l’impact de la recherche en pédagogie sur la façon dont on aborde l’enseignement universitaire. Ces deux aspects de la recherche traductive de pointe entraînent des répercussions non négligeables sur la façon dont la relève langagière est formée. L’autrice nous offre un aperçu concret de ce qui se passe à l’heure actuelle dans les salles de classe. Une réalité qui trouve écho dans les institutions d’enseignement du monde entier.

Ensuite, nous examinerons un thème auquel peu de personnes pensent quand on parle de traduction, en raison de la rareté de son exercice. Il s’agit de la traduction de l’ancien grec et du latin. La recherche traductive des textes anciens, peu importe la langue et la culture auxquels ils renvoient, est pourtant essentielle pour comprendre l’histoire de l’humanité et l’origine des sociétés modernes. L’étude de l’Antiquité, par exemple, peut révéler les facteurs qui contribuent aux décisions et aux actions des peuples ainsi que de leur « élite dirigeante ». L’article de Don McCarthy nous donne l’occasion d’explorer cette niche de recherche pleine d’intrigues.

Pour sa part, Catherine Leclerc dévoile la recherche qui s’effectue en traductologie pour comprendre les néologismes de genre. De nos jours, les langagières et les langagiers sont confrontés à des textes qui nécessitent ce que nous pourrions appeler une « approche genrée » de la traduction. De fait, choisir les appellations et les dénominations, les pronoms et les déterminants de manière éclairée et juste relève parfois de l’exploit, surtout lorsque les langues en traduction ne conçoivent pas le genre de la même façon. L’autrice ouvre donc ici une fenêtre sur la réflexion effectuée en écriture inclusive, réflexion qui a le potentiel d’influer sur la manière dont nous nous exprimons et sur celle dont nous pensons. Là encore, notre société pourra un jour adopter les résultats de cette recherche.

Grâce à Caroline Coicou Mangerel, nous explorons également l’univers de la traduction biblique. Ce domaine est particulièrement riche d’idées nouvelles et constitue une niche traductionnelle ainsi que traductologique, car il se trouve à la croisée des études historiques, culturelles, géographiques, des langues anciennes, et il est indubitablement influencé par les divers points de vue politiques et théologiques qui exigent à l’occasion une réinterprétation des textes originaux, voire des traductions passées. Il s’agit d’une spécialisation délicate.

Bien sûr, nous ne pouvons pas traiter de recherche en traduction sans parler de ce qui est actuellement mis au point et produit en intelligence artificielle. L’impact des outils et des agents « intelligents » dans les professions langagières ne doit pas être sous-estimé, mais il ne doit pas non plus être surestimé. De nombreux scénarios courent dans les médias sociaux et dans les médias traditionnels. Or, il ne faut pas toujours s’y fier. Par conséquent, l’article de Déborah Folaron se révèle tout à fait à propos par sa description de ce qu’il se trame dans la recherche en intelligence artificielle en lien avec la traduction.

Enfin, Caroline Coicou Mangerel et Philippe Caignon font un état des lieux des écoles d’été en traduction. Ils proposent ainsi une liste des écoles qui ont été offertes au moins deux fois et qui sont encore actives dans le monde. La liste n’est pas exhaustive, mais plutôt descriptive et représentative de ce qui a cours de par le monde. Les liens qui existent entre ce type d’école et la recherche spécialisée se doivent d’être connus. En effet, ces écoles permettent de transmettre des idées novatrices, d’inspirer de nouveaux procédés traductionnels et de diffuser les résultats de travaux de pointe à un public étudiant national et international. Ce public forme déjà la prochaine génération langagière.

Le comité de rédaction espère que le présent numéro saura vous donner une idée claire de ce qui est accompli par les chercheuses et les chercheurs langagiers et de l’importance de leurs travaux pour la pratique de nos professions et pour notre planète. Nous vous souhaitons une excellente lecture.



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