La postédition se distingue de la révision sur différents aspects, dont la provenance du texte traduit (humain ou moteur de TA), la nature des fautes à corriger (courantes ou grossières) et le type de moteur de TA utilisé (gratuit ou personnalisé).
La postédition, corollaire de la traduction automatique (TA), a vu le jour puis s’est imposée dans un contexte de mondialisation des échanges, de développement d’Internet et d’élargissement des politiques relatives au multilinguisme, notamment, le recours au processus classique de traduction et de révision ne suffisant plus à répondre à la demande sans cesse croissante. Elle fait beaucoup parler d’elle depuis l’émergence de la traduction automatique neuronale (TAN), parce que malgré les progrès fulgurants, une intervention humaine demeure indispensable pour assurer la qualité de la traduction produite par un moteur de TA.
Qu’on la craigne ou qu’on l’encense, qu’on y voit la mort du traducteur ou un moyen d’accroître sa productivité, la postédition suscite son lot de réactions. Comme elle est là pour de bon, mieux vaut l’apprivoiser et en faire son alliée. Cependant, certains problèmes se posent, et les connaître permettra de se lancer dans cette activité en toute confiance et en toute efficacité. En effet, plusieurs langagières et langagiers demeurent perplexes car, d’une part, elles et ils n’ont bien souvent reçu qu’une formation très brève sur le sujet et, d’autre part, il n’existe pas de démarche normée. Ainsi, dans la pratique quotidienne, l’apprentissage de cette activité s’est peut-être fait « à la dure », par essais et erreurs.
Par ailleurs se pose aussi la question de la confidentialité des données, et le recours aux logiciels à large diffusion doit être évité dans la mesure du possible pour que les données ne deviennent pas accessibles à tous dans le cyberespace. La connaissance des caractéristiques, du mode de fonctionnement et des enjeux de la TA permettra de postéditer plus efficacement parce que l’on pourra mieux évaluer l’ampleur du travail à effectuer et cibler avec plus de précision ses interventions. Se lancer dans la postédition autrement relève d’un exercice de haute voltige. Comment faire pour tirer son épingle du jeu?
La révision et la postédition partagent certaines caractéristiques, puisqu’il s’agit effectivement de corriger un texte pour qu’il soit conforme à l’original et respecte le génie de la langue d’arrivée. Toutefois, elles se distinguent à quelques égards, mobilisant entre autres un processus cognitif différent. Qu’en est-il réellement?
La première divergence entre les deux est la provenance du texte traduit. Une traduction classique est réalisée par un être humain, puis scrutée à la loupe par un autre être humain. Il en va autrement pour la postédition, qu’Anne-Marie Robert définit comme « l’activité qui consiste à repasser derrière un texte prétraduit automatiquement pour le rendre humainement intelligible ». La postédition s’effectue donc sur un document produit par un moteur de TA. Cette distinction est de première importance, puisque celui-ci ne commet pas le même type d’erreurs qu’une langagière ou un langagier compétent.
Au quotidien, la révision vise à corriger des glissements de sens, une syntaxe déficiente ou des maladresses de rédaction. Elle améliore le style et la lisibilité. La postédition est une tâche plus chronophage, car les fautes commises par le moteur de TA sont ordinairement plus grossières que celles qu’on trouve dans une traduction humaine. Par exemple, l’emploi erroné des majuscules et des minuscules, une mauvaise accentuation, des accords fautifs ou des défauts structurels (faux sens, non-sens3) sont monnaie courante dans les textes résultant d’une TA. Outre ces fautes flagrantes, d’autres, parfois plus sournoises et insidieuses, se glissent souvent dans les textes à postéditer, la principale étant le calque de structure. La machine reproduit généralement presque mot pour mot l’original en faisant fi du contexte pour trouver un équivalent. À première vue, la traduction peut donc sembler correcte. Que faire pour éviter de tomber dans le panneau? Comprendre tout d’abord que, contrairement à l’humain, la machine ne réfléchit pas et ne tient pas compte de la polysémie des mots, de sorte que la fiabilité sur le plan sémantique risque fort de ne pas être au rendez-vous. Ne pas faire confiance aveuglément au moteur et être constamment sur ses gardes est aussi une stratégie gagnante. La vigilance s’impose également en ce qui concerne les erreurs de nature terminologique, aussi très fréquentes. Pour assurer l’exactitude et l’uniformité des termes, il faut procéder à un contrôle systématique et ne jamais supposer que la machine propose le bon équivalent.
La qualité des textes résultant d’une TA est variable : elle est fonction du corpus sur lequel s’appuie le moteur pour produire les segments cibles. C’est ici qu’entrent en jeu les notions de postédition brute et de postédition évoluée. Dans le premier cas, comme le travail s’effectue sur des segments générés à partir d’un corpus non révisé, la qualité sera moindre et les interventions, plus nombreuses. On peut le constater avec les moteurs dits « grand public » que l’on retrouve en abondance sur Internet. En postédition évoluée, le corpus est plus fiable parce que le moteur a été alimenté de segments préalablement révisés. Ainsi, généralement, le processus de postédition est moins lourd et la qualité de la traduction se révèle meilleure.
Il incombe aux membres des professions langagières de protéger l’information contenue dans les textes que leur confient leurs clients. Avec l’avènement de la TA, cet enjeu prend de l’ampleur, puisque toutes les données entrées dans un moteur de traduction gratuit deviennent la propriété de celui-ci. Elles peuvent être publiées ou modifiées sans le consentement de l’internaute. Google Traduction est éloquent à ce sujet : « Lorsque vous utilisez nos services, vous nous confiez vos données personnelles. Nous comprenons que c’est une grande responsabilité et nous faisons tout notre possible pour protéger vos renseignements et pour vous permettre de les gérer. »
Peut-être avez-vous entendu parler de la pétrolière Statoil (aujourd’hui Equinor), société d’État norvégienne, qui a fait traduire des documents confidentiels à l’aide d’un moteur grand public; ceux-ci se sont par la suite retrouvés sur le Web à la disposition de tous. Pour éviter une telle situation, il vaut mieux ne pas utiliser les moteurs de TA gratuits pour des textes de nature sensible et confidentielle et plutôt opter pour un moteur personnalisé intégré au réseau interne de l’entreprise. De cette façon, il sera possible de garder le plein contrôle sur les données de nos clients tout en tirant parti de la TA.
Atissa Béland compte plus de 25 ans d’expérience en traduction et en révision. Elle se spécialise en traduction commerciale, financière et comptable. Elle enseigne la traduction, la révision et la postédition à l’Université de Montréal et à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Elle agit par ailleurs comme mentor auprès de stagiaires et nouveaux diplômés en vue de leur agrément à l’OTTIAQ.
1 Robert, Anne-Marie. « La postédition : l’avenir incontournable du traducteur? », Traduire [En ligne], 222 | 2010.
URL : https://journals.openedition.org/traduire/460.
2 Robert, Anne-Marie. « La postédition : l’avenir incontournable du traducteur? », Traduire [En ligne], 222 | 2010.
URL : https://journals.openedition.org/traduire/460.
3 Robert, Anne-Marie. « La postédition : l’avenir incontournable du traducteur? », Traduire [En ligne], 222 | 2010.
URL : https://journals.openedition.org/traduire/460.
4 Robert, Anne-Marie. « La postédition : l’avenir incontournable du traducteur? », Traduire [En ligne], 222 | 2010.
URL : https://journals.openedition.org/traduire/460.