MƐTA a 60 ans

Dans un éditorial célébrant le soixantième anniversaire de Meta (volume 60, numéro 1, avril 2015), Georges L. Bastin brosse un tableau des origines de la revue et des transformations qu’elle a connues au fil des ans. Il souligne que l’occasion est parfaite pour en repenser quelques éléments : adoption de l’Open Journal System, inclusion d’un résumé en espagnol pour chaque article, numéros spéciaux, etc. Il annonce par ailleurs que les 40 premiers numéros seront mis en ligne.

Ce numéro contient de nombreux articles intéressants, notamment celui de Hugo Vandal-Sirois intitulé « Le traducteur et ses cibles : lectures analytique et empathique en adaptation publicitaire ». L’auteur rappelle que l’élément essentiel d’une publicité est le public cible et que le traducteur doit en tenir compte. En fait, il est primordial que ce dernier maîtrise les principes de la communication publicitaire, car il fait partie du processus créatif. En plus d’être le traducteur, il est l’« agent culturel entre un annonceur et une culture qui lui est étrangère ». Qui dit adaptation, dit appropriation du message. Plusieurs lectures sont donc essentielles, et elles doivent se faire selon différentes approches : d’abord une lecture analytique, pour comprendre le processus créatif des concepteurs de la publicité source, puis une lecture empathique, où le traducteur doit se mettre dans la peau du public cible et anticiper sa réaction. L’auteur illustre ses propos de quelques exemples.

Dans « What Every Client Wants? (Re) mapping the Trajectory of Client Expectations Research », Jonathan Downie présente d’abord les raisons évoquées pour étudier les attentes des clients de services d’interprétation et les oppose aux préoccupations des universitaires qui soutiennent que ces recherches ne seraient guère utiles. Il fournit ensuite un bref historique des recherches portant sur les attentes de la clientèle et se questionne sur la diminution importante du nombre de ces recherches depuis 2001. Toujours sur le sujet de l’étude de l’interprétation, dans « Simultaneous Conference Interpreting and a Supernorm That Governs It All », Cornelia Zwischenberger parle de la « supernorme qui demande aux interprètes de transmettre “passivement” un message » et se questionne sur le respect — ou le non-respect — de celle-ci par les interprètes professionnels.

Soulignons aussi les articles « Translating with an Injured Brain : Neurolinguistic Aspects of Translation as Revealed by Bilinguals with Cerebral Lesions », d’Adolfo M. García, qui porte sur les zones cérébrales utiles à la traduction; « Intertextualité dans la traduction des albums de type “double lectorat” », de Sungyup Lee, qui étudie la façon de traduire un texte qui s’adresse à deux lectorats à la fois, soit aux enfants et aux adultes; et « Developing a Blueprint for a Technology-mediated Approach to Translation Studies », d’Elisa Alonso et Elisa Calvo, qui propose une approche en traductologie permettant d’approfondir l’étude de l’utilisation des technologies de l’information par les traducteurs. M. B.

Études féministes et traduction

Le premier numéro du volume 7 de la revue TranscUlturAl propose à ses lecteurs un dossier intitulé « Women in Translation ». Dans son article « Translating Women’s Silences », Valerie Henitiuk décrit la traduction comme un moyen de donner une voix à des femmes qui ont été confinées au silence et de favoriser la diffusion à grande échelle de textes écrits par des femmes tout en réfléchissant aux risques qui y sont associés comme l’appropriation et les erreurs de représentation susceptibles de survenir dans ce contexte. Henitiuk présente l’une de ses propres initiatives, soit l’édition d’un recueil de nouvelles d’auteures d’Orissa, en Inde. Dans ce même dossier, qui porte à réflexion, Julie Tarif signe un article intitulé « “Hey Guys, Once Upon a Time was Sexist Language...” » où elle s’intéresse au langage sexiste en français et en anglais et se demande si l’une des deux langues est plus sexiste que l’autre. Elle décrit les stratégies d’élimination du langage sexiste et se penche sur la façon dont le langage non sexiste des Politically Correct Bedtime Stories de James Finn Garner a été rendu dans leur traduction française. M.-H. G.

Traduction et adaptation visuelle du neuvième art

Dans « Visual adaptation in translated comics », article paru dans le plus récent volume de inTRAlinea (volume 16, 2014), Federico Zanettin, de l’Université de Pérouse, explore les pratiques courantes de localisation des bandes dessinées américaines, japonaises et européennes. Il s’intéresse tout particulièrement aux transformations apportées au paratexte (dessins, couleurs, onomatopées, phylactères, découpage des planches, mise en page des cases, format de l’album, sens de lecture, etc.) lorsque les œuvres passent la frontière. Zanettin explique en quoi les éditeurs de traductions de bandes dessinées doivent se plier à des contraintes réglementaires, à des questions d’acceptabilité culturelle et à des considérations purement commerciales liées aux différentes stratégies et pratiques d’adaptation visuelle. Zanettin constate aussi que ces pratiques d’adaptation visuelle des bandes dessinées ont évolué avec le temps. Par exemple, le manga japonais, autrefois très fortement adapté au public cible, est de moins en moins transformé. En effet, alors que dans les années 1980 et 1990, les éditeurs occidentaux de manga se livraient à des modifications graphiques importantes pour inverser les planches et traduire les onomatopées intégrées aux décors — ce qui faisait grimper les coûts de production —, ils se sont adaptés aux goûts de leur lectorat, qui préfère de nos jours le dépaysement d’une lecture de droite à gauche, entre autres choses. L’article est agrémenté de nombreuses planches d’œuvres originales et de leurs traductions, qui mettent en évidence les différentes stratégies d’adaptation choisies par les éditeurs. M.-H. G.

Ont collaboré à la rédaction de la chronique Marie-Hélène Gauthier, traductrice agréée et Myriam Bougie.