La revue Langues et linguistique (vol. 35) comprend un article de la professeure Aline Francoeur à propos de la terminologie intitulé « La fiche terminologique, entre théorie et pratique » (PDF). L’auteure tente de répondre à la question suivante : existe-t-il un écart entre la théorie et la pratique en matière de rédaction de fiches terminologiques?
Dans un premier temps, une recension d’écrits théoriques permet de tracer le portrait de la fiche idéale. Dans un deuxième temps, l’étude d’un corpus de 883 fiches tirées des deux principales bases de données terminologiques publiques (TERMIUM Plus et le Grand dictionnaire terminologique) permet de « vérifier si le contenu de ces fiches est conforme aux principes théoriques et méthodologiques établis ou si, au contraire, il contrevient à ces principes ».
En introduction, voici ce que dit l’auteure : « La fiche terminologique remplit en principe une double finalité : assurer la bonne compréhension du concept qui en fait l’objet et favoriser l’usage adéquat des termes qui désignent ce concept. Or, quiconque consulte les grandes banques de terminologie en accès libre constate tôt ou tard que les fiches qu’elles contiennent présentent un ensemble de données très variables et que, faute d’un contenu suffisant, de nombreuses fiches ne remplissent que partiellement, voire aucunement, leur double finalité. On peut dès lors se demander s’il existe un écart entre la théorie et la pratique en matière de rédaction de fiches terminologiques, et si la fiche “idéale” n’a d’existence réelle que dans les manuels et traités de terminologie. »
Elle poursuit avec une description de la fiche et présente son échantillon, pour enfin conclure que « non seulement les 883 fiches que nous avons analysées proposent un contenu très hétérogène, mais, dans la moitié des cas, ce contenu est également fragmentaire ».
L’approche systématique et la démarche scientifique de l’auteure sont particulièrement appréciées. B. P.
Vaste et ambitieux chantier que la traduction du Code civil du Québec (CCQ), dont les péripéties sont présentées par Barbara McClintock, avec l’aide de R. Clive Meredith, dans un article du Journal of Specialised Translation intitulé « Twentieth anniversary of the Civil Code of Quebec: the English translation of the Civil Code of Quebec: a controversy ». On y lit que la traduction du Code civil a toujours posé problème : « The English version of the CCQ was severely criticised as soon as it entered into force in 1994… ». Selon un rapport de l’époque, plus de 5000 améliorations étaient requises afin de rendre le texte plus idiomatique!
La traduction proposée à l’origine (1977) avait été rédigée en « langage clair », pour être aussitôt contestée et remplacée par une version plus longue en 1991. Les auteurs remarquent que « One of the most challenging and frustrating aspects of the project was merely to make sure that the Code was translated into idiomatic English. » Enfin, l’une de leurs conclusions apparaît d’une évidence flagrante : « Good results can also be achieved when legal translators are involved in the process of translating laws alongside the drafters. »
Cet article est un fascinant compte-rendu des efforts consacrés à la traduction d’un texte de loi fondamental pour la bonne marche de la société québécoise. B. P.
La revue trimestrielle en ligne Translation Journal propose dans son numéro d’avril 2015 un article de Laura C. Bazzurro intitulé « Some Thoughts on Literary Translation ».
Il s’agit d’une courte, mais stimulante réflexion sur la nature de la traduction littéraire. L’auteure commence par donner une définition de la traduction littéraire et du style. Elle introduit ensuite le concept de « trujaman », qu’on pourrait rendre en français par « intermédiaire »; dans le sens de passeur de culture en même temps que traducteur. C’est ce que l’auteure semble exprimer lorsqu’elle précise : « In general, in literary translation we translate messages, not meanings. »
Elle consacre ensuite une courte (mais non moins pertinente) partie de son article à la traduction poétique où elle écrit : « In poetry, form is as essential to preserve as content. »
Quelques ouvrages consacrés à la traduction littéraire sont également suggérés sous forme d’une courte bibliographie en fin d’article. B. P.
Le numéro 227 de Traduire, la revue de la Société française des traducteurs, est un dossier sur la traduction des sciences humaines et sociales intitulé « Éco, socio, philo… & co ». Bien que les réalités décrites par les auteurs sont essentiellement européennes, il est néanmoins intéressant de voir la place importante qu’ont, ou que devraient avoir, les sciences humaines et sociales sur le marché de la traduction. Dans l’article « Traduire dans le domaine de l’économie écologique : les difficultés terminologiques », Sabri-Fabrice Sayhi souligne que la traduction des sciences sociales est un exercice bien plus difficile que peut le laisser croire l’a priori voulant que les sciences sociales soient des sciences accessibles, puisque liées au quotidien et aux humains eux-mêmes. L’article « Parlons du traducteur : rôle et profil », de Marie-Hélène Catherine Torres, vaut amplement le détour. Abordant les grandes lignes de la théorie brésilienne de l’anthropophagie, l’auteure base sa réflexion sur « l’hypothèse que toute traduction est anthropophage ». Notons au passage l’article « La face cachée de la révision » de Charles Martin, traduit par Hélène Ladjadj, qui invite à amorcer une réflexion à propos de la révision des traductions par un tiers. Cette pratique, très prisée par les agences de traduction, garantit-elle vraiment la qualité des textes? La conclusion est mitigée : « Uniquement si le réviseur est un professionnel reconnu, bien au fait du sujet traité par le document et prenant le temps nécessaire pour comprendre le texte source au lieu de se contenter d’une correction phrase par phrase. […] le secteur privé où la priorité accordée à la rentabilité est rarement favorable à une révision compétente dans la mesure où les tarifs pratiqués par la plupart des sociétés de traduction pour ce service n’incitent pas les traducteurs les plus expérimentés, spécialisés, compétents et consciencieux à réviser le travail de leurs collègues. » M. B.
La « Présentation », signée par Gillian Lane-Mercier, Denise Merkle et Reine Meylaerts, donne le ton du numéro de décembre 2014 de Meta : journal des traducteurs (vol. 59, no 3) qui porte sur le thème « Traduction et plurilinguisme officiel ». Les auteures y présentent différents modèles de plurilinguisme officiel (le Canada, la Belgique, l’Afrique du Sud, etc.), expliquent les concepts qui y sont rattachés et soulignent la place de la traduction au sein des organisations internationales.
Dans « Bilinguisme officiel et traduction au Canada : les interprétations littéraires de Patrice Desbiens et de Jacques Brault / E.D. Blodgett », Catherine Leclerc s’intéresse à des textes poétiques qui soulignent l’importante place de la traduction dans l’imaginaire national canadien. Le texte de Jacques Brault et de E.D Blodgett est un renga translingual qui fait disparaître la hiérarchie entre les langues et se veut une parodie du bilinguisme officiel qui, lui, met si souvent les textes à mal. Le texte de Patrice Desbiens à l’étude est pour sa part railleur à l’égard du bilinguisme.
Dans l’article « Traduction, bilinguisme et langue de travail : une étude de cas au sein de la fonction publique fédérale canadienne », Matthieu Leblanc s’interroge sur la véritable place du français dans un ministère fédéral situé à Moncton. Il déplore notamment que le français soit presque exclusivement traduit plutôt qu’utilisé comme langue d’expression (tant en rédaction que comme langue de travail). Bref, selon lui, l’obligation de fournir des textes dans les deux langues officielles ne contribue pas nécessairement à l’épanouissement de la langue minoritaire. Ce numéro compte également un article éclairant de Valérie Dullion intitulé « Traduire les textes juridiques dans un contexte de plurilinguisme officiel : quelle formation pour quelles compétences spécifiques? » où on explique que la traduction juridique doit répondre à des exigences particulières dans les systèmes plurilingues. L’auteure souligne qu’il serait important d’inclure cette réalité à une formation professionnelle et donne d’ailleurs des pistes de réflexion intéressantes à ce sujet. M. B.
Ont collaboré à la chronique Myriam Bougie et Benoît Paré