Bouleau, Fabian. Chienne de langue française! : répertoire tendrement agacé des bizarreries du français, Points, 190 pages, mai 2014, ISBN : 9782757840931
La traductrice, tout comme le traducteur, a besoin de saine détente, et après une journée à jongler avec les mots, pourquoi ne pas se procurer un peu de distraction en riant un peu des misères que nous inflige la langue française.
Fabian Bouleau, dans son livre Chienne de langue française, pose un regard « tendrement agacé » sur les « bizarreries du français ». Sa plaquette d'à peine 200 pages recense quelques-unes de ces incongruités du français qui nous donnent parfois tant de fil à retordre. L'auteur s'émeut par exemple des mots siamois en in- qui n'ont pas de contraire – pourquoi insouciant, mais pas souciant, ingrat, mais pas grat, et insolite, mais pas solite; des conjugaisons pleines de trous – pensez à choir, éclore ou gésir; des familles de mots à qui il manque un adjectif ou un nom – l'auteur se demande notamment pourquoi nous nous privons de l'agréabilité ou de l'affrosité. Le voilà parti à néologiser à tout vent! Il tire dans tous les sens et s'étonne autant de notre monsieur prononcé meucieu que de l'anachronisme de l'accent circonflexe. Il glisse quelques mots sur la réforme de l'orthographe et du même souffle avoue que lui-même ne mangera jamais un ognon et que la boîte a absolument « besoin de son petit couvercle »... Il réussit à nous faire rire par ses arguments qui frôlent la mauvaise foi et ses preuves par l'absurde.
Fabian Bouleau n'avait pas pour but d'expliquer en détail les excentricités du français, et son livre saura plaire à un large public. Le public averti et au fait des difficultés de la langue se trouvera en terrain connu et hochera la tête page après page, reconnaissant parfois son propre désarroi ou agacement devant les ratés de son outil quotidien. L'auteur a délibérément choisi un style incisif et concis, pour ne pas dire elliptique, et a préféré le jeu de mots à la clarté, mais il nous fait heureusement cadeau d'une petite bibliographie commentée qui donnera peut-être envie aux plus curieux d'aller approfondir un peu.
Si la maxime « qui aime bien châtie bien » est vraie, l'auteur nous prouve par son livre son grand amour pour le français. Habitués que nous sommes à la révérer, à la mettre sur un piédestal, quel étonnement nous ressentons devant cette irrévérence pour la langue. Nous qui le plus souvent l’encensons et louangeons sa subtilité ne pouvons qu'opiner du bonnet et participer nous aussi gaiement à ce quasi-règlement de compte.
Ce livre est très court, ce qui est une bonne chose, car il s'essouffle un peu vers la fin. Les articles du début sont plus drôles et pertinents et on espère secrètement que l'auteur finisse sur une note plus positive et qu'après avoir cassé du sucre sur le dos du français, il atténue ses critiques en soulignant quelques-unes de ses qualités. Car, on a beau s'en plaindre, on l'aime comme elle est, notre langue, en dépit de ses défauts. Malgré tout ce qu'elle nous fait subir, nous l'avons apprivoisée au fil des années, et c'est tout de même elle qui nous permet de gagner notre croûte!
Malgré ses quelques défauts un peu agaçants, Chienne de langue française est tout de même divertissant et instructif. Bref, un bon moment de lecture.